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aux anciens ministères; les cultes, dont le budget est supprimé par acclamation, sont attribués à la sûreté générale, c’est-à-dire à la préfecture de police.

Les délégués s’établirent dans les ministères où ils représentaient la commune, mais les commissions s’installèrent dans l’Hôtel de Ville même : la commission exécutive dans la salle du Trône, devenue la salle du Peuple; la commission militaire au centre de la galerie des tableaux; la commission de la sûreté générale dans la galerie du conseil municipal, n° 2; la commission des services publics, à l’extrémité de la galerie des tableaux; la commission de l’enseignement (qui, pendant toute la durée de la commune, ne dépensa économiquement que la somme de 1,000 francs) dans la galerie du conseil municipal, n° 5; la commission des subsistances dans la galerie du conseil municipal, à gauche; la commission de la justice dans la galerie du conseil municipal, à droite; la commission du travail, de l’industrie et de l’échange, dans l’aile droite, au troisième étage; la commission des finances siégea au ministère, rue de Rivoli, et la commission des relations extérieures, qui était une véritable sinécure, se réunissait pour fumer au ministère des affaires étrangères. En prévision de l’avenir, on lui avait indiqué un programme à suivre : « Elle devra, dès que l’occasion se présentera, accréditer des représentans auprès des divers états de l’Europe, surtout auprès de la Prusse, quand on connaîtra l’attitude de cette puissance vis-à-vis de la commune. » Le délégué aux relations extérieures, Paschal Grousset, qui fut loin d’être malfaisant, n’eut pas à choisir un personnel diplomatique pour représenter le gouvernement de l’Hôtel de Ville auprès des différentes cours de l’Europe, mais il y suppléa en nommant son tailleur conservateur de la bibliothèque du ministère[1]. C’est là une gaminerie divertissante dont il est difficile de ne pas rire.

Le jour même où la commune siégeait officiellement pour la première fois et se distribuait le travail du gouvernement, elle ne paraît pas avoir été très rassurée sur l’état d’âme de la population parisienne. Près de la table même autour de laquelle elle délibéra, on ramassa, le 30 mars au matin, la pièce que voici et que je transcris textuellement : « D’après les circonstances, je crois qu’il serait bon de changer tout employé et que les factionnaires soient tenus à distance des séances, car les discussions sont entendues et rapportées, ce qui est très mauvais ; la question de la sortie des denrées est à étudier; nous devons nous attendre à toute sorte d’intrigues qui mènent à la trahison. Nous tenons la poire, ne la laissons pas pourrir, soyons prudens et toujours et quand même révolutionnaires

  1. Procès des membres de la commune devant le 3e conseil de guerre; audience du 18 août 1871.