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d’une des salles du temple. Cette niche ou cette chapelle, le type de l’arche sainte des Hébreux, était fermée par une porte à deux battans (on voit encore, sur plusieurs de ces monumens, la trace des gonds), et s’ouvrait à certains jours, comme dans le temple d’Israël le saint des saints, devant le prêtre ou le roi, admis à contempler, pendant quelques instans, les objets sacrés qui se conservaient dans ce tabernacle. Les pièces qui entourent ce sanctuaire peuvent être de formes variées et en nombre indéfini. Ce sont des dépendances, des salles d’attente, des appartemens, des magasins. Rien ici de comparable à la cella du temple grec, rien qui ressemble à cette grande chambre que tous les arts concourent à décorer pour la rendre digne du dieu qui l’habite, représenté par sa statue qui se dresse au fond du sanctuaire, tandis qu’au-dessus des portiques qui enveloppent sa demeure frises et frontons racontent ses victoires et célèbrent sa puissance et ses bienfaits. L’Orient ne l’a pas connue, cette merveilleuse unité du temple grec, où des règles simples et claires, fondées sur la raison même, déterminent l’accord et la subordination des parties, où des doctrines traditionnelles, tout à la fois fermes et souples, guident le génie de l’artiste sans l’enchaîner et sans l’appauvrir.

Il nous a suffi d’un coup d’œil jeté sur l’histoire de Cypre pour reconnaître combien s’y était établie de bonne heure l’influence de l’Orient sémitique et comme elle y avait persisté tard. Ce que l’on devait donc s’attendre à trouver dans l’île, là où le mouvement de la vie n’aurait pas tout nivelé et tout pulvérisé, c’était moins des édifices grecs et romains que des constructions dont le principe et l’esprit appartinssent à l’Orient. Il n’en eût été que plus nécessaire d’avoir là le concours d’hommes préparés par une éducation spéciale à relever jusqu’aux moindres vestiges de ce qui fut autrefois, à s’orienter et à se reconnaître au milieu de ruines sans beauté pittoresque et sans relief, dont l’insignifiance apparente ne devait pas piquer la curiosité de l’observateur superficiel et n’éveillerait pas son attention. Le sort a voulu que les fouilles se fissent dans d’autres conditions, et les résultats en ont été si brillans que l’on semblerait avoir mauvaise grâce à rien regretter. Cependant nous eussions vivement désiré savoir comment étaient bâtis et décorés ces temples qui, pendant dix siècles et plus, ont été chantés par les poètes et que des millions de pèlerins ont visités ; or, malgré tant de coups de pioche donnés au bon endroit et tant de terres remuées à grands frais, nous n’avons encore, sur ce que l’on peut appeler l’architecture cypriote, que de bien faibles données, que des renseignemens bien insuffisans.

Le seul temple de l’île dont nous sachions quelque chose par des témoignages anciens, c’est le plus fameux de tous, celui de Paphos.