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cruelles angoisses, ils n’ont cherché le salut en dehors de leur charte. Notre histoire politique et sociale ne se déroule pas, hélas! avec cette sérénité : tantôt emportés par un mouvement désordonné vers la liberté, tantôt entraînés par un courant fait de peur et d’affolement vers l’autorité, nous avons connu tour à tour toutes les extrémités, acclamé tous les régimes, essayé sept ou huit constitutions ; nous avons inscrit dans ces constitutions les plus immortels principes et les plus solennelles déclarations, à commencer par celle des droits de l’homme et du citoyen; il n’y a qu’une chose que nous n’ayons pas su faire, c’est d’apporter un peu de suite et d’unité dans notre conduite, c’est de nous attacher à de certains points fixes, qui devraient être en politique et pour tous les partis ce que sont en géométrie les axiomes, c’est-à-dire des vérités incontestées.

Un de ces points, sur lesquels il semblait que l’accord fût définitif, vient précisément d’être remis en question par un acte considérable émané de l’initiative du gouvernement : nous voulons parler des projets de loi déposés par M. le ministre de l’instruction publique dans la dernière session. La presse libérale ne s’y est pas trompée; dès le premier jour, en dépit de leur titre insidieux, elle a vu dans ces projets une grave atteinte à la liberté d’enseignement. Elle a compris que, sous prétexte de restitution, ce qu’on poursuivait en réalité, c’était le rétablissement du monopole universitaire. En vain, pour lui en imposer, s’est-on réclamé d’une auguste mémoire; cette évocation de l’ancien régime et de l’ancien droit, de Charles X et des ordonnances de 1828, a paru suspecte dans la bouche d’un ministre de la république. On s’est dit qu’il fallait que la cause fût bien mauvaise pour que ses avocats fussent allés chercher si loin des argumens aussi surannés, et la casuistique officielle a manqué son effet.

Nous voudrions à notre tour examiner ces projets dans leurs rapports avec le droit public, montrer leur portée, préciser leur intention, rechercher s’il est vrai qu’ils se bornent, comme on l’affirme, « à reconstituer le patrimoine de l’état dans les choses de l’enseignement, » ou s’ils n’impliquent pas en fait la suppression de toute concurrence. Graves questions, qui préoccupent à bon droit l’opinion publique et qui ont éveillé dans tous les cœurs un peu généreux d’intimes susceptibilités ! Ce ne sont pas en effet les intérêts contingens de tel ou tel parti, de telle ou telle nuance d’opinion qui sont engagés dans le débat qui va s’ouvrir, c’est la cause même des libertés les plus chères à ce pays, la cause de la liberté de conscience et de la liberté religieuse, menacées dans leurs droits. La bataille sera rude, il ne faut pas se Le dissimuler; vaincus, dit-on,