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famille. À ce moment, l’état est mort, ou plutôt il n’est pas encore né; la notion même en a disparu. Trois ou quatre sociétés juxtaposées, d’origine diverse, sans autre lien qu’un latin barbare et sans limite bien précise, s’agitent confusément sur le sol de notre vieille France. Un rudiment de civilisation, un mélange sans nom de droit romain et de coutumes barbares, quelques vestiges d’administration municipale, voilà tout ce qui a surnagé du passé. Dans ce naufrage universel, une seule chose est debout, une seule chose est inviolable : l’église. Qui songerait à lui disputer l’enfant? Elle le prend donc; elle l’emmène dans ses écoles, elle lui ouvre, à l’abri de ses temples et de ses cloîtres, d’impénétrables asiles où son innocence et sa foi seront en sûreté; elle le soigne, elle l’instruit, elle l’élève, et pour toute récompense elle lui demande de confesser le vrai Dieu. C’est l’âge de la foi pure et désintéressée : nulle pensée ambitieuse, nulle préoccupation terrestre, rien qu’une piété profonde et une grande charité.

Mais voici qu’à cet âge héroïque, à ces temps primitifs, succède un autre ordre de choses; voici que du chaos du moyen âge se dégagent des idées, une civilisation, un état social et une forme de gouvernement tout nouveaux. La notion de l’état, si longtemps obscurcie, se retrouve à la fin; avec Charlemagne et ses successeurs immédiats, elle avait déjà fait une première apparition; avec les Capétiens, elle se précise, elle devient concrète et tangible; elle trouve en se personnifiant dans le roi son expression définitive et populaire. Commencée vers le milieu du XIIe siècle, cette transformation s’achève au XIVe avec Philippe le Bel. Alors ces deux forces devenues rivales, l’église et l’état, se rencontrent et se heurtent dans un conflit qui a duré, sous une forme ou sous une autre, autant que l’ancienne monarchie. L’état émancipé, représenté par le roi, « seule puissance après Dieu dans les affaires temporelles, » étend sa rude main sur les écoles et les fait rentrer sous la loi. Singulier rapprochement! le prince qui souffleta la papauté fut aussi le premier qui proclama le droit de la royauté sur l’enseignement : c’est dans une ordonnance de 1312, signée de Philippe le Bel, que ce droit fut pour la première fois inscrit. C’est là qu’apparaît réellement pour la première fois cette maxime fondamentale que l’instruction publique dépend de l’état. Le principe est posé : comment la royauté va-t-elle l’appliquer? De deux façons : d’une façon immédiate et directe par les ordonnances et par les édits réglementaires, et d’une façon indirecte par l’intermédiaire des parlemens auxquels Charles VII accordera juridiction sur les universités. Le grand édit de Blois (mai 1579) renfermait déjà, dans une série d’articles, un règlement d’organisation pour toutes les universités de France, et,