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présidée par M. Guizot et dans laquelle figuraient M. Prévost-Paradol et le père Captier, de tragique mémoire, avait été constituée pour préparer les élémens d’un projet de loi sur la matière. Le sénat, d’autre part, était déjà saisi d’une proposition émanée de l’initiative d’un de ses membres, quand soudain éclata la crise qui devait tout emporter.

Une assemblée dont le premier acte avait été de porter au pouvoir l’éminent défenseur de la loi de 1850 ne pouvait manquer de reprendre la question au point où l’avait laissée le précédent gouvernement. En effet, dès les premiers jours de l’établissement de l’assemblée nationale à Versailles, M. le comte Jaubert déposait une proposition de loi sur la liberté de l’enseignement supérieur. Il eût été difficile en ce temps-là, qui n’est pourtant pas bien éloigné de nous, de venir dénoncer à la tribune le péril clérical. Le sang des otages fumait encore, et de nos palais brûlés s’élevait un long cri d’horreur et de malédiction. L’assemblée nationale fit donc à la proposition de M. le comte Jaubert un accueil empressé; personne ne songea ni sur les bancs du gouvernement ni sur ceux de la gauche à en contester l’opportunité; il se fit là une espèce d’accord tacite entre tous ces hommes réunis pour un moment dans une commune pensée de résistance. Comme en 1848, un souffle généreux, un élan de confiance joints au plus impérieux besoin de repos, animaient et rapprochaient les cœurs.

Cependant la proposition de M. le comte Jaubert ne devait pas venir à discussion avant les derniers jours que vécut l’assemblée nationale. Traversée par une foule d’accidens qu’il serait trop long de rapporter ici, contrariée par une succession de crises ministérielles et gouvernementales dont le souvenir est encore présent à tous les esprits, elle n’aboutit, après bien des remaniemens et bien des retouches, qu’au mois de juin 1875. Les temps étaient déjà bien changés, hélas! A la confiance, aux élans de la première heure, avaient succédé la discorde et le ressentiment de blessures réciproques. Néanmoins la proposition de M. le comte Jaubert ne rencontra que chez un très petit nombre d’orateurs de la gauche une opposition de principe. A part M. Challemel-Lacour et M. Paul Bert, qui en attaquèrent le fond, les adversaires du projet se contestèrent en général d’en critiquer certaines dispositions, d’ailleurs fort contestables, telles que les jurys mixtes. A coup sûr, ils y mirent une extrême ardeur et leurs objections prirent parfois une forme provocante; mais ils n’apportèrent pas moins de chaleur à se poser, dans ce grand débat, comme les défenseurs résolus de la liberté d’enseignement, et nous entendons encore un des leurs s’écrier dans une péroraison pathétique :

« — Et puis, messieurs, alors que vous venez de faire une très