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d’interposer sa médiation et se fit envoyer en Prusse comme plénipotentiaire de l’empereur; mais ses efforts pour réconcilier les états avec l’ordre furent vains, et il fallut qu’il reprît le chemin de l’électorat, après que les mercenaires eurent visité ses équipages et se furent assurés qu’il n’emportait pas le trésor de Marienbourg. Alors il négocia des emprunts pour l’ordre; il obtint du roi de Danemark la promesse qu’il enverrait sa flotte à l’embouchure de la Vistule pour forcer les villes prussiennes à se détacher de la ligue polonaise. Il supplia l’empereur d’envoyer trois mille cavaliers, auxquels il joindrait ses troupes, pour faire diversion en Pologne; l’empereur ne l’écouta pas, le roi de Danemark ne tint pas sa promesse, et les destinées s’accomplirent; mais dans cette sollicitude du margrave allemand pour les chevaliers allemands il y avait une promesse pour l’avenir.

C’est le Brandebourg en effet qui se chargea de la revanche des teutoniques. On a marqué aux premières lignes de ces études le curieux enchaînement des faits : comment un Hohenzollern, Albert de Brandebourg, élu grand maître en 1511, embrassa la réforme, sécularisa le domaine laissé aux chevaliers par la paix de Thorn, et se fit duc héréditaire de Prusse; comment, la nouvelle dynastie ducale s’étant éteinte, moins d’un siècle après, les Hohenzollern de Brandebourg héritèrent de leurs cousins de Prusse, comment enfin l’histoire du pays teutonique se confondit dans celle de l’état prussien. Une partie importante de l’histoire de la Prusse est celle des revendications exercées par cet état allemand sur la Pologne. Il a fallu, pour les faire prévaloir, beaucoup de temps et d’efforts. Longtemps le duc de Prusse fut un humble personnage. Dès le premier jour, au lendemain de son élection, Albert de Hohenzollern avait essayé de s’affranchir de la suzeraineté polonaise, estimant qu’il était indigne pour un prince de l’empire d’être vassal d’un étranger; il avait compté sur l’aide que lui avait promise Maximilien d’Autriche, empereur d’Allemagne; il avait essayé de réveiller dans le vieux corps germanique l’orgueil et le patriotisme d’autrefois : il n’y avait pas réussi. L’Autriche avait ses affaires, qui n’étaient point celles de l’Allemagne, et, pour combattre la Pologne, l’Allemagne n’avait envoyé au grand maître que quelques aventuriers du XVIe siècle, parmi lesquels le fils de ce Franz de Sickingen, qu’on appelait le dernier des chevaliers. Battu, Albert de Brandebourg était allé quérir de nouveaux secours. C’est alors qu’il avait rencontré Luther et que le réformateur lui avait prêché la réforme. Cependant la réforme faisait d’elle-même des progrès en Prusse comme dans les pays allemands. Le jour de Noël de l’année 1523, dans l’église cathédrale de Kœnigsberg, l’évêque annonça