Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/542

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrit : « Dans la voie nouvelle où s’est engagée la réunion maçonnique, il m’est impossible de la suivre. Il ne s’agit plus de conciliation ; on a délaissé le but humanitaire et patriotique que l’on poursuivait d’abord. » Le Grand-Orient de France, par les membres du conseil de l’ordre, déclare « que la réunion générale de tous les représentans des ateliers de l’obédience, régulièrement convoqués, a seule le droit de prendre le titre d’assemblée générale de la maçonnerie française, qu’en conséquence la franc-maçonnerie du Grand-Orient de France ne se trouve nullement liée par la résolution prise ; car celle-ci n’engage que les maçons qui y ont personnellement adhéré. » Il était impossible de recevoir un désaveu plus catégorique ; les délégués savaient bien qu’ils ne représentaient pas la franc-maçonnerie et qu’ils ne représentaient qu’eux-mêmes ; la commune le savait bien aussi, mais c’était là une excellente occasion de faire un peu de tapage, d’organiser un défilé théâtral, d’abuser la population parisienne et de mentir une fois de plus ; cette occasion, elle se garda bien de la laisser échapper. Le 26, environ mille huit cents maçons se réunirent dans le théâtre du Châtelet ; selon l’usage, on nomma un orateur. C’était un député, — il l’est encore, — qui appartenait au rite écossais. La résolution adoptée fut criminelle : « Ayant épuisé tous les moyens de conciliation avec le gouvernement de Versailles, la franc-maçonnerie est résolue à planter ses bannières sur les remparts de Paris, et si une seule balle les touchait, les frères maçons marcheraient contre l’ennemi commun. » On fit plus, on se rendit en corps à l’Hôtel de Ville pour faire part à la commune de cette résolution. Les membres de la commune descendirent au-devant des délégués de la maçonnerie, pour les recevoir dans la cour d’honneur. Il faut dire que ces délégués représentaient la maçonnerie de France à peu près comme le groupe d’étrangers, conduit par Anacharsis Clootz à la convention, avait représenté « le genre humain. » L’orateur de la manifestation s’appelait Thirifocq ; il dit : « Depuis que la commune existe, la franc-maçonnerie a compris qu’elle serait la base de nos réformes sociales. C’est la plus grande révolution qu’il ait jamais été donné au monde de contempler. Si au début du mouvement les francs-maçons n’ont pas voulu agir, c’est qu’ils tenaient à acquérir la preuve que Versailles ne voulait entendre aucune conciliation. Comment supposer, en effet, que des criminels puissent accepter une conciliation quelconque avec leurs juges ?.. » Ce fut une explosion de bravos et de cris : a Vive la commune ! vive la franc-maçonnerie ! vive la république universelle ! » — La commune était très fière ; depuis qu’elle campait à l’Hôtel de Ville, c’était la première fois que quelque chose venait la féliciter. Jules Vallès offrit son écharpe rouge au frère