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conseiller de recevoir Thémines, ajoutant « qu’en conservant la seureté de sa place rien ne lui devoit couster pour satisfaire la dignité de la roine. » La jeunesse qui entourait Rohan et Soubise ne pensait qu’à prendre les armes ; mais Rohan, « bien que plusieurs grinçassent les dents de despit, qui pour l’obliger au combat lui conseilloyent toutes choses extrêmes, se résoult enfin de suivre les advis de M. Du Plessis, et de les préférer, comme il luy escrivoit, à tous autres ; et pour ce coup fut ceste tourmente appaisée ; le vieux maire, en apparence continué pour quelques jours, le nouveau, en effect créé tel qu’il voulut ; donc l’authorité de la reine demeuroit satisfaite et M. de Rohan asseuré de la ville[1]. »

Rohan redoutait Bouillon : il le soupçonnait de vouloir lui soustraire Saint-Jean-d’Angely et d’y vouloir maintenir un lieutenant de roi à sa dévotion. Il craignait toutefois de rompre ouvertement avec la reine : il fut convenu que pour huit jours les clés de la ville resteraient entre les mains de l’ancien maire, que l’on procéderait ensuite à une nouvelle élection de trois candidats parmi lesquels le sénéchal choisirait un maire ; que La Roche-Beaucourt resterait dans sa charge et en ressortirait tout de suite après. M. de Thémines fit assembler les habitans au son de la cloche, fit procéder à l’élection, et tout se passa comme il avait été convenu. Rohan fit retirer de la ville tous les gens de guerre et les gentilshommes qui l’étaient allés trouver. En fait, il avait, tout en donnant satisfaction à l’autorité royale dans la forme, fait triompher son autorité personnelle dans la ville.

Sully avait été troublé dans sa retraite par l’affaire de Saint-Jean-d’Angely : « Je ne pensois qu’à vivre doucement en ma mayson sans me mesler d’affaires publiques, écrivait-il à M. d’Hypérien, ny désirant aucunes charges, honneurs ni dignités nouvelles, me contentant de celles que je possédois et de la gloire d’avoir dignement, utilement et agréablement servi le plus grand et judicieux roy du monde ; maintenant je me trouve embarasé dans ce malheureux affaire, mon fils l’ayant demandé (le gouvernement de Chastelleraut) si solennellement et chacun connoissant que cela nous appartient, par plusieurs promesses réitérées du feu roy, confirmées par la parole de la royne à toutes les occasions… Cet accident et quelques procédures un peu précipitées et non accoutumées contre un seigneur de la maison et qualité de M. de Rohan sont près de traverser entièrement toutes les affaires, lesquelles avant cela prenoient chemin tel que l’on pouvoit désirer…

« Quant à ce qui est de Saint-Jean-d’Angeli, Chastelerault, MM. De

  1. Vie de M. Du Plessis, p. 362.