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III.

On avait destiné d’abord et même fiancé Catherine de Parthenay à Jacques de Châtillon, fils de l’amiral Coligny; mais ce jeune homme mourut de la peste à Orléans, en 1568. Catherine, encore enfant, fut mariée à Charles de Quellennec, baron du Pont-en-Bretagne. J’ai parlé de la campagne faite par le baron du Pont-Soubise, en 1570, pendant que Jeanne d’Albret tenait dans la Rochelle après le désastre de Moncontour, Du Pont-Soubise y fit preuve d’un brillait courage : pourtant Mme la douairière de Soubise voulut faire rompre le mariage de sa fille pour cause d’impuissance du marié; le procès fut terminé par la Saint-Barthélémy. Le baron du Pont était allé assister aux noces du roi de Navarre, « un des premiers il fut massacré dans la cour du Louvre, où l’on dit que la reine et les dames de la cour le firent chercher entre les morts et visiter en leur présence pour voir s’il était impuissant effectivement[1]. »

Pendant trois ans, René de Rohan fit sa cour à la jeune veuve; on ne lui donna que des espérances, jusqu’au jour où la douairière de Soubise apprit par un officier envoyé de Blain la mort du vicomte de Rohan[2] et celle de la fille unique du vicomte, Judith de Rohan, qui n’avait survécu qu’un mois à son père. M. de Frontenay devenait l’aîné de la maison. Sa riche succession comprenait la principauté de Léon, la vicomte de Rohan, la comté de Porhoët, et nombre de grandes maisons. Catherine de Parthenay apportait Soubise en Saintonge, le Parc-Soubise en Bas-Poitou, Fresnay en Bretagne, la Garnache, Beauvoir-sur-Mer, et d’autres maisons dans la Saintonge et le Poitou.

Le mariage fut conclu et célébré le 15 août 1575. Catherine n’avait que vingt et un ans, son mari en avait vingt-cinq. Catherine avait eu la forte éducation que recevaient les grandes dames au XVIe siècle. Elle aimait les lettres et cultivait même les mathématiques. Si peu éprise qu’elle pût être de son premier mari, elle avait composé une élégie sur sa fin malheureuse. Elle avait fait jouer à vingt ans à La Rochelle une tragédie, Holopherne, le rôle de Judith ayant toujours échauffé les têtes huguenotes. L’humeur bizarre et rêveuse qu’elle devait montrer plus tard n’était sans doute pas encore très développée; on se la figure pourtant déjà quittant un problème mathématique pour composer quelques stances, lisant un peu, au hasard, l’Évangile et les philosophes

  1. Le Noir de Crevain, page 176.
  2. Henri Ier de Rohan mourut le 12 juin 1575, à peine âgé de quarante ans. — Judith de Rohan mourut le 24 juillet 1575.