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injures, jusqu’à ce que sinon la honte, au moins la lassitude les prenne. »

En France, où il y a en général beaucoup de résistance aux idées nouvelles, la circulation du sang ne fut que difficilement admise. Un des rares adeptes de Harvey fut l’illustre Descartes, qui, à une époque où la circulation était regardée comme une hérésie, osa la défendre hardiment : « Tous ceux, dit-il, que l’autorité des anciens n’a pas tout à fait aveuglés et qui ont voulu ouvrir les yeux pour examiner l’opinion de Harvey touchant la circulation du sang ne doutent point que toutes les veines et les artères du corps ne soient comme des ruisseaux par où le sang coule sans cesse fort promptement… »

Au contraire, Riolan, Guy-Patin et la Faculté de Paris repoussent la circulation ; non-seulement en 1640, non-seulement en 1650, après la réponse si péremptoire de Harvey à Riolan, le seul adversaire auquel il ait daigné répondre, mais encore quelques années plus tard, alors que les faits et les expériences ont établi, sur des bases irréfutables, la théorie de la circulation. Le dernier adversaire de Harvey est Thomas Diafoirus, qui soutient sa thèse, enrichie d’enluminures, contre les circulateurs. « Jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle touchant la circulation du sang » (1673).

V.

Quelque temps avant que parût le livre de Harvey, une autre découverte avait été faite qui eut une importance considérable. Le 23 juillet 1622, Aselli, professeur d’anatomie à Pavie, ouvre un chien pour montrer à des amis les nerfs récurrens ; puis, pour étudier les mouvemens du diaphragme, il fend l’abdomen. Il voit alors les intestins et la membrane qui les porte sillonnés de vaisseaux blancs et fins. Il ouvre ces vaisseaux : une liqueur blanche comme du lait ou de la crème en jaillit aussitôt. « Alors, dit-il, ne pouvant retenir ma joie, je me tourne vers ceux qui étaient là et je leur dis comme Archimède : J’ai trouvé ! » Cependant le chien meurt ; les vaisseaux blancs s’évanouissent, disparaissent devant les yeux et entre les mains des assistans, de manière à ne laisser aucun vestige de leur présence. Le lendemain, un autre chien est ouvert qui ne présente pas le même phénomène. Faut-il donc renoncer à cette découverte et croire qu’on a eu affaire à un jeu de la nature ? Aselli se rappelle que le premier chien avait pris des alimens avant d’être tué ; aussi pour observer de nouveau les chyli-