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MÉMOIRES
DE
MADAME DE REMUSAT
(1802-1808)

I.
SA VIE ET SA FAMILLE

Mon père m’a laissé, avec le devoir de le publier, le manuscrit des Mémoires de ma grand’mère, dame du palais de l’impératrice Joséphine. Il attachait à ces souvenirs une importance extrême pour l’histoire des premières années de ce siècle. Sans cesse il a songé à les publier lui-même, sans cesse il a été retenu par des travaux, des devoirs, ou des scrupules. Sa vraie raison pour retarder le moment où le public connaîtrait ces précieux souvenirs sur une époque si récente et si mal connue de la génération nouvelle était précisément que cette époque était récente, et qu’un grand nombre des personnages vivaient encore. Quoique l’auteur ne puisse être accusé d’une malveillance systématique, la liberté de ses jugemens sur les personnes et sur les choses est absolue. On doit aux vivans, et même aux fils des morts, des égards dont l’histoire ne s’accommode pas toujours. Les années ont passé cependant, et les raisons de silence diminuaient avec les années. Peut-être dans les environs de 1848 mon père se fût-il décidé à publier ce manuscrit, mais bientôt l’empire et l’empereur revenaient, et le livre eût pu être considéré soit comme une flatterie à l’adresse du fils de la reine Hortense, qui y est fort ménagée, soit, sur d’autres points, comme un outrage direct à la dynastie. Les circonstances eussent ainsi donné un