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pour prouver que les compagnies de chemins de fer manquaient à leur devoir et portaient préjudice à la commune. Les compagnies tinrent bon, Fontaine ne démordit pas ; on échangea des lettres polies, mais parfois un peu aigres. Il est probable que les compagnies auraient fini par céder, car en présence d’hommes qui ne reculaient devant aucun excès d’arbitraire, elles savaient bien qu’elles ne seraient pas les plus fortes. L’incident néanmoins aurait pu devenir désagréable et avoir de sérieuses conséquences s’il n’avait tourné en compromis. Ce compromis fut proposé par Jourde, dont j’ai à constater une fois de plus la modération. Après en avoir conféré avec Paul Pia, contrôleur général des chemins de fer[1], on décide que les compagnies n’auront à se pourvoir de timbres nouveaux pour leurs récépissés qu’à partir du 10 mai, et qu’à cette époque seulement la direction des domaines pourra exercer ses droits de vérification. Cette mesure ne rapporta pas, je crois, de bien grosses sommes à la délégation des finances ; sur le registre des comptes que Fontaine tenait lui-même, je ne trouve que cette indication à la date du 21 mai : Versé au citoyen Jourde, 55,000 francs. En revanche, sur le brouillon d’une lettre qu’un fonctionnaire important des domaines écrit à sa femme, je lis cet aveu comique qui ne doit pas être perdu : « Je te dirai pour finir que je suis assez inquiet ; je ne suis pas sûr des gens que nous employons ; voilà le troisième parapluie que je perds depuis quinze jours, ça n’est pas naturel. »

La prose de Jules Fontaine était plus sérieuse ; le 15 mai, le jour même où le docteur Parisel, chef de la délégation scientifique, organisait quatre équipes de fuséens, le directeur général des domaines prenait l’arrêté suivant : « Art. 1er. Tout le linge provenant de la maison Thiers sera mis à la disposition des ambulances. Art. 2. Les objets d’art et livres précieux seront envoyés aux bibliothèques et musées nationaux. Art. 3. Le mobilier sera vendu aux enchères après exposition publique au garde-meuble. Art. 4. Le produit de cette vente restera uniquement affecté aux pensions et indemnités qui devront être fournies aux veuves et orphelins des victimes de la guerre infâme que nous fait l’ex-propriétaire de l’hôtel George. Art. 5. Même destination sera donnée à l’argent que rapporteront les matériaux de démolition. Art. 6. Sur le terrain de l’hôtel du parricide sera établi un square public. » Il est extraordinaire qu’aucun de ces hommes, imbus des idées du moyen âge vers lequel ils nous ramenaient à leur insu, n’ait eu l’idée de faire semer du sel sur la place occupée par l’hôtel « George. »

  1. « 15 avril 1871 ; la commission exécutive arrête : Art. 1er. Le citoyen Paul Pia est chargé de la surveillance et du contrôle des chemins de fer. — Art. 2. Les compagnies de chemins de fer seront tenues de communiquer au citoyen Pia, à la première réquisition, tous les livres ou documens qu’il jugera à propos de consulter. »