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populaires parmi nos solennités. Il semble que la pensée de donner en cette occasion une marque de leur fécondité ait stimulé nos artistes, car jamais production ne fut plus abondante. Personne n’eût été surpris si, cette année, les œuvres se fussent trouvées plus rares, et si au lendemain d’un grand effort notre école eût montré un peu de lassitude. Il n’en a Tien été : tout au contraire, le jury a dû statuer sur un plus grand nombre d’ouvrages, il n’y en a pas eu moins de 9,158 qui aient passé sous ses yeux, ce qui constitue pour 1878 une augmentation de près d’un millier. Quelques bons esprits, sans doute, gémiront de cette progression constante : ils déploreront cette immense quantité de travaux dont beaucoup n’ont que peu de mérite. Cependant leur nombre empêche-t-il qu’il ne se manifeste de véritables talens ? Pourquoi donc s’affliger de ce large épanchement des arts ? Nous serions plutôt disposé à en être touché. Quand on sait que presque toutes ces productions datent de moins d’un an, quand on songe à la masse de travail et d’inspiration, aux sacrifices dont ils témoignent, on ne peut s’interdire un mouvement de sympathie. Telle qu’elle est, cette fécondité impose ; c’est un signe de la vie nationale : pourquoi donc se désespérer ? Ne vaut-il pas mieux faire son choix parmi tant d’œuvres, dont la plupart, si l’on veut, ne soulèvent pas de discussion ? N’est-il pas préférable de rechercher celles qui, procédant de doctrines communes à plusieurs artistes, représentent des écoles, et celles aussi qui, portant la marque de talens individuels, nous découvrent des aspirations nouvelles, et de nous attacher surtout à une élite qui, déjà désignée par l’estime publique, semble destinée à tenir une place dans l’histoire de notre temps ? Nous voulons essayer de le faire ici ; mais en même temps nous n’oublierons pas que nous avons le devoir de faire ressortir l’influence qu’exercent nos institutions sur les œuvres de l’ordre le plus élevé. Ces institutions, on le comprend, peuvent subir des modifications profondes. Il n’est donc pas inutile de rappeler, quand l’occasion se présente de le faire, l’objet pour lequel elles ont été créées, la part qui leur revient à l’heure présente dans le mouvement des arts, et aussi de laisser voir ce qui peut leur manquer. D’ailleurs, à la suite de l’exposition universelle, le moment semble favorable pour faire un retour sur l’école française. Dans notre intention, il ne doit pas résulter des rapprochemens que nos souvenirs nous permettront d’établir un jugement sur le rang que nous pouvons occuper dans le concert de l’art européen. Où en sommes-nous pour nous-mêmes ? Telle est la seule question qu’il importe de se poser. Nos observations comparatives ne seront pas inutiles, si elles fournissent aux personnes qu’un pareil sujet intéresse quelques sujets de réflexion.