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sous les coups de la seconde renaissance, mais qui se rapportaient tous à d’intéressans souvenirs, dont la trace n’est pas entièrement perdue de nos jours. C’est lui, par exemple, qui construisit dans l’ancienne basilique de Saint-Pierre cette chapelle dédiée à saint André que les papes suivans devaient détruire, mais dont il reste quelques fragmens de sculptures relégués dans les cryptes vaticanes. Cette fondation rappelait un épisode qui n’avait pas dû sortir si tôt des mémoires. Dans la journée du 11 avril 1462, le dimanche des Rameaux, Rome tout entière avait accompagné le pape allant en grande pompe recevoir près du Ponte Molle une précieuse relique apportée de Patras par le despote de Morée, parent du dernier empereur Paléologue. La tête de saint André, frère de saint Pierre, compagnon du Christ, apôtre de l’Orient, était pour le pontife comme un symbole aidant à cette prédication de la croisade qui le préoccupait sans cesse. Des mains du cardinal Bessarion elle passa dans celles de Pie II, et fut déposée dans-la confession de Saint-Pierre au milieu des chants de tout un peuple en fête[1].

Pie II avait aussi réparé et embelli l’église de Sainte-Pétronille, voisine de l’ancienne basilique Vaticane, et à laquelle se rattachaient, M. de Rossi l’a montré, de curieux souvenirs, particulièrement intéressans pour la France. Le sépulcre de la sainte des temps apostoliques, révérée sous le titre de fille spirituelle de saint Pierre, reposait dans la catacombe de Sainte-Domitille, où dormaient également les saints Nérée et Achillée, et le culte de la sainte se trouvait être en grand honneur dans Rome quand les rapports des papes avec les rois carlovingiens devinrent très actifs. Le pape Etienne II, s’étant rendu en France pour réclamer de Pépin le Bref une protection contre les Lombards, promit en échange de transporter le sépulcre de la sainte plus près du tombeau de saint Pierre. Pétronille devint dès lors auxiliatrice des princes carlovingiens; la nouvelle église qui la reçut fut désignée comme un monument éternel de la gloire et du nom de Pépin, comme la chapelle des rois de France, qui portèrent le titre de très chrétiens, et déjà peut-être de fils aînés de l’église. Quand les différens sanctuaires furent absorbés par la basilique reconstruite, on y réserva une chapelle, dédiée à sainte Pétronille, dont les souverains de la France

  1. La précieuse tête, enfermée dans un riche reliquaire, œuvre florentine, échappa comme par miracle au fameux siège de Rome de 1527, mais non pas aux désordres de 1848. Un voleur, après l’avoir dérobée et avoir vendu le reliquaire, ensevelit le crâne, qui l’embarrassait, au pied d’un des murs de fortification de la ville; mais, poursuivi par ses remords, il alla confesser son crime, et la relique fut rétablie dans le trésor de Saint-Pierre, comme le rapporte une inscription qu’on peut lire sur cette partie des murs, vers le Vatican.