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que comporterait une étude spéciale serait aborder une série de problèmes dont un grand nombre sont encore non résolus. On aura une idée des irrésolutions où sont réduits de notre temps ceux qui s’occupent de topographie romaine si l’on songe que l’élégant petit temple périptère admiré de tout voyageur sur la place de Sainte-Marie in Cosmedin, celui qui a été si longtemps connu comme un temple de Vesta, peut être désigné par sept noms différens, dont chacun s’autorise d’assez bonnes raisons, et entre lesquels il est difficile d’oser choisir. D’ailleurs s’il est vrai, comme nous l’avons dit, que les plans de Rome de la fin du XVe siècle dénotent dans leurs auteurs un degré d’expérience scientifique qui n’avait pas été encore atteint, il ne faut pas croire pour cela qu’on les trouverait, en les comparant à ce que réclame la science moderne, exempts de fantaisie dans les représentations et d’erreurs graves dans les commentaires, soit par un reste d’attache aux vieilles légendes, soit par des conjectures nouvelles imparfaitement dirigées. Le plan conservé à Mantoue, par exemple, a le dessin d’un monument sur lequel est cette légende en italien : « Tour dans laquelle résida longtemps l’esprit de Néron. » On sait en effet que, Néron ayant été enseveli dans le tombeau de sa famille, les Domitii, près du lieu où résidait aussi l’opulente gens Pincia, les corbeaux, dit la légende, effrayèrent pendant longtemps cette région maudite, jusqu’à ce que le pape Pascal II, en 1099, pour mettre fin à cette sinistre obsession, démolit la sépulture, et construisit à sa place cette église de Santa-Maria-del-Popolo, si riche aujourd’hui en charmantes œuvres de la première renaissance. — Le même plan montre, au forum, les trois colonnes du temple de Vespasien bizarrement recouvertes d’une sorte de toit, et la notice explique que ces colonnes ne sont autre chose qu’un fragment du pont que Caligula avait jeté du Palatin au Capitole, singulière imagination révélant chez les antiquaires d’alors le même embarras que nous éprouvons nous-mêmes à expliquer de quelque façon l’étonnante construction de cet empereur.

Il ne faudrait donc pas attendre de ces plans de Rome des informations trop complètes ; cependant, à côté des obscurités et des erreurs, ils donnent des traductions fidèles de la réalité qui ont beaucoup de prix. Si le tombeau d’Auguste est caché par la perspective sur la carte du musée de Mantoue, on le voit sur celle de 1474, en ruine et délabré. Il en est réduit aujourd’hui à servir de scène à des troupes dramatiques de quatrième ou de cinquième ordre : on y peut entendre parfois quelque comédie de Plaute en italien, ce qui ne manque ni de couleur locale ni de tradition ; mais le plus souvent ce sont les plaisanteries de nos boulevards, émoussées par la traduction, qui attristent, en dépit de quelques protestations honnêtes, ce