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REVUE MUSICALE

La direction de l’Opéra vient de changer de mains, et si nous ne nous sommes point mêlé à cette histoire au cours de ses vicissitudes, c’est qu’il nous a paru que le ministre avait son siège fait et qu’il ne s’agissait pour lui que d’amuser le tapis. Il y a de ces duperies auxquelles seuls les esprits naïfs se laissent prendre, et nous ne sommes pas de ceux qui se mettant en chasse après la question d’art quand elle est lancée par des hommes dont l’art, s’ils en pouvaient comprendre le premier mot, serait encore le moindre souci. Mais aujourd’hui, le fait accompli, rien ne nous empêche de l’aborder. On sait dans quelles circonstances le directeur sortant prit jadis l’Opéra alors que les ruines amoncelées dans Paris par la commune fumaient encore. Sans doute, la nouvelle salle déjà se profilait à l’horizon, et ses miroitantes coupoles réjouissaient un peu le paysage; mais ce bienheureux temple de la fortune, que de périls et de hasards n’aurait-on pas à traverser avant d’en voir s’ouvrir les portes et d’en monter l’escalier de porphyre et d’or! Ceux-là mêmes que leur ambition poussait le plus hésitaient, tergiversaient, et pendant qu’ils traînaient le temps en pourparlers, M. de Fourtou, pressé d’en finir, s’accordait avec M. Halanzier. Ce dénoûment brusqué, imprévu, jeta le désarroi dans l’opinion. Beaucoup refusaient d’y croire; le préjugé qui se niche partout, jusque sous le manteau d’arlequin d’une salle de spectacle, n’admettait point qu’un simple directeur de province fût placé à la tête de l’Opéra : « Il espéra s’initier à la cour, il n’y fut jamais que des faubourgs! » Ce que disait Saint-Simon du marquis de Lassay, la malveillance l’appliquait à M. Halanzier, Être des faubourgs passe encore, directeur des Bouffes-Parisiens, ou même d’un théâtre lyrique quelconque, mais « s’initier