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du caractère du maréchal dans la pensée de répondre à ses détracteurs et de venger sa mémoire des injustices dont il eut à souffrir. Qu’elle nous permette de lui dire que son imagination nous semble avoir singulièrement grossi le nombre de ces détracteurs et exagéré ces injustices. Passe pour les plaintes qu’elle élève contre la conduite de Napoléon envers Davout. Il est certain que l’empereur, nous le savons pertinemment depuis la publication des Mémoires du général Philippe de Ségur, prit mal son parti de la victoire d’Auerstaedt, qu’il fit tout ce qu’il put pour en dissimuler l’importance, et qu’il s’efforça contre toute évidence de la transformer en un simple épisode de la bataille d’Iéna; néanmoins il y eut là, à tout prendre, plus d’égoïsme encore que d’injustice, et ces manœuvres de duplicité n’allèrent pas, le titre de duc d’Auerstaedt en fit foi, quoique tardivement, jusqu’à priver le maréchal des avantages de sa victoire. Il est certain encore que l’empereur garda toujours envers Davout quelque froideur; mais cette froideur ne se traduisit jamais, que nous sachions, par un manque de confiance ou par une marque de défaveur, ou par une dépréciation quelconque de ses grands talens militaires. Nous comprenons également les reproches que Mme de Blocqueville adresse au second empire à propos du singulier oubli qu’il a fait du maréchal Davout dans la distribution des statues militaires du nouveau Louvre, car les reproches sont cette fois amplement mérités. Il est inexplicable en effet qu’un tel homme de guerre ait été oublié dans une décoration monumentale destinée à représenter les gloires de l’époque impériale. Quant aux injustices des partis politiques, de l’opinion et de la postérité, je crois pouvoir assurer à l’auteur que son zèle filial l’abuse complètement. Jamais personne à ma connaissance n’a élevé le moindre doute sur le génie militaire de Davout et n’a eu l’envie de lui contester l’importance de ses victoires. Qu’un tel homme ait eu des ennemis et des jaloux, cela n’est que trop explicable; ce qu’on peut contester, c’est que ces ennemis aient eu pouvoir de lui nuire, que leurs manœuvres aient eu prise sur l’opinion et que leurs calomnies aient été seulement connues d’elle. Il a encouru à un moment donné la défaveur de la restauration, mais cette défaveur qu’il devait à sa fidélité à Napoléon n’était pas, à tout prendre, une injustice. Les actes d’un homme de cet ordre ne peuvent être pris indifféremment, et il était assez naturel que le gouvernement de Louis XVIII eût préféré que le défenseur de Hambourg arborât le drapeau blanc spontanément et sur la première rumeur de la chute de Napoléon plutôt que d’en attendre l’ordre accompagné de la notification officielle de la révolution accomplie. Il est assez naturel encore que la seconde restauration lui ait gardé quelque rancune de son rôle pendant les cent jours et qu’elle l’eût