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II.

L’existence d’une température élevée dans les couches profondes de la terre est un fait dont il n’est plus permis de douter, bien que la loi suivant laquelle la chaleur augmente à mesure qu’on descend au-dessous de la surface soit encore loin d’être exactement connue. Le père Kircher, au XVIIe siècle, parle déjà de la chaleur souterraine, qui se fait sentir au fond des mines[1]. Boerhave et Boyle mentionnent également des observations concernant la chaleur qui règne dans les profondeurs du sol. Cependant c’est seulement en 1740, — près d’un siècle et demi après l’invention du thermomètre, — qu’une tentative sérieuse est faite pour mesurer cette chaleur; elle est due à Gensanne, directeur des mines de plomb de Giromagny (Vosges), qui descend un thermomètre dans des profondeurs dépassant 400 mètres et constate que la température s’élève en moyenne de 1 degré pour 19 mètres. Vers la fin du siècle, Horace de Saussure, voulant vérifier si la chaleur propre du globe peut contribuer à la fusion des glaciers, fait une expérience du même genre dans les salines de Bex, où il trouve une augmentation de 1 degré pour 37 mètres. Depuis cette époque, les expériences se sont multipliées ; il suffira d’en citer les plus importantes.

Cordier, dans son célèbre Essai sur la température de l’intérieur de la terre, qu’il lut à l’Académie des sciences dans le courant de l’année 1827, a réuni les travaux de ses devanciers et les résultats qu’il avait obtenus lui-même dans quelques mines. Il avait trouvé, dans les mines de Carmaux (Tarn), une augmentation de 1 degré pour 36 mètres, pour 19 mètres dans les mines de Littry (Calvados), pour 15 mètres à Decize (Nièvre). Le chiffre moyen auquel il s’arrête est de 1 degré pour 25 mètres. Il conclut de ces observations qu’à une profondeur de quelques centaines de kilomètres, on rencontrerait une chaleur de 100 degrés du pyromètre de Wedgwood, qui suffit à faire fondre toutes les laves.

Pour arriver à des résultats dignes de confiance, il ne faut pas se contenter d’observer la température de l’air au fond de la mine, ou celle des eaux qui pénètrent dans les galeries, il faut enfoncer les thermomètres dans des cavités percées dans la roche vive, et les y laisser un temps suffisant pour qu’ils prennent la température du milieu ambiant. En effet, les courans d’air qui s’établissent dans les mines en abaissent d’ordinaire la température, surtout lorsqu’ils

  1. Mundus subterraneus, 1664, t. II.