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que l’on peut adresser à beaucoup de livres qu’on écrit sur l’ancien régime. Ils ne disent que la vérité, certainement, mais ils ne disent pas la vérité tout entière. Ils ne mettent en lumière que des faits incontestables et que des textes authentiques ; ils ne joignent pas toujours à ces faits d’autres faits, qui ne laissent pas d’atténuer la portée des premiers, non plus qu’à ces textes d’autres textes qui modifient, qui corrigent, qui tempèrent ce que les textes cités peuvent avoir de décisif et d’absolu. Je conviens d’ailleurs bien volontiers que les auteurs ont une excuse. Puisqu’en effet depuis quatre-vingts ans nul n’a guère parlé de l’ancien régime que pour l’accabler, en quelque sorte, et lui disputer jusqu’aux plus innocentes justifications qu’il pût produire, il est assez naturel après tout que l’on procède comme nous voyons qu’on procède aujourd’hui. Ce n’est pas tant que l’on prenne plaisir ou que l’on mette un intérêt de parti à ramener au jour uniquement les textes et les faits favorables à l’ancien régime ; c’est qu’on a révélé depuis longtemps tous les autres et qu’en travaillant, selon les méthodes en faveur, sur « l’inédit, » on ne retrouve précisément que des textes et des faits jusqu’ici négligés ou systématiquement repoussés dans l’ombre parce qu’ils donnaient aux idées que l’on voulait se faire de l’ancien régime quelqu’un de ces vigoureux démentis dont l’histoire est coutumière. Quoi de plus humain ! Il restera maintenant à contre-peser tous ces ouvrages les uns par les autres, et, les deux parties entendues dans leurs conclusions, à résumer les débats. Mais peut-être dès à présent n’était-il pas inutile de signaler ces quelques ouvrages et d’indiquer sommairement ce qu’ils contiennent de nouveautés.

Dès à présent aussi je crois que l’on peut admettre que ces nouveautés prendront place dans l’histoire. Est-ce à dire qu’on prouvera que l’instruction primaire était tout aussi répandue sous l’ancien régime que de nos jours ? Ce serait une mauvaise plaisanterie que de le prétendre ; une plaisanterie qui ne vaut pas seulement la peine d’être discutée. C’en serait une plus mauvaise encore de prétendre que la révolution soit venue méchamment interrompre le développement naturel et, comme on vient de le voir, assez considérable déjà, de l’enseignement. Mais l’impulsion était donnée, l’utilité de l’instruction était comprise, même par le pouvoir royal, même par l’église, et tout aussi clairement que par les philosophes. Il restait beaucoup à faire, mais on avait beaucoup fait. Voilà ce que de nouvelles recherches ne manqueront pas de mettre en lumière, voilà ce qu’on peut dire, et par honneur pour nos pères comme par respect pour la vérité, il faut le dire.