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renferme en quatre divisions : la science de l’Écriture sainte, la théologie dogmatique, la théologie morale et l’histoire ecclésiastique ; il parcourt chacune de ces divisions, il indique, avec un sérieux comique, les méthodes à suivre, les sources à consulter, les auteurs à étudier ; il marque les points sur lesquels il importerait d’insister, « tels que la divinité de Jésus-Christ avec sa présence réelle dans l’eucharistie, l’un étant la base de la croyance et du culte chrétien, l’autre le sujet principal du grand schisme. Il serait honteux que le prêtre restât muet devant le socinien qu’il rencontrera à chaque pas, et devant le luthérien et le calviniste dont il est environné. » Un peu plus, Diderot confesserait et administrerait les sacremens pour la plus grande utilité de l’état.

La conscience et le goût protestent et contre Diderot et contre les Diderots contemporains, qui sont nombreux. Je comprends la libre pensée sous toutes ses formes, l’examen, la critique, la négation. Je ne comprends pas la parodie des choses divines qu’on prétend administrer et dont on nie la divinité. Je ne comprends pas la confiscation de la religion par un pouvoir qui n’admet pas même l’existence de Dieu et qui se met à la tête de l’église pour la conduire. Niez l’église, c’est votre droit, mais ne l’exploitez pas. Vous êtes, l’un positiviste, l’autre athée : c’est votre droit. Mais de quel droit, athée, vouloir fabriquer un dieu de votre façon à l’usage du peuple ? Et de quel droit, positiviste, si vous ne croyez pas que ces problèmes soient dans la compétence de l’esprit humain ; naturaliste, si vous ne croyez pas qu’il y ait rien en dehors des phénomènes mécaniques ou physiques, vous qui vous placez au point de vue de la science expérimentale et qui déclarez que tout ce qui n’est pas compris dans la sphère de l’expérience sensible n’existe pas, de quel droit, savant exclusif, disciple de la nature, osez-vous prendre en main, un seul instant, le gouvernail de la conscience religieuse et mettre la lourde main de l’état dans des intérêts de cet ordre ou dans des croyances que vous niez ? Détruisez-les, si vous pouvez, ou bien ne vous en occupez pas ; mais, de grâce, finissez cette mauvaise plaisanterie de vouloir les gouverner.

Directeur de l’église, maître de la faculté de théologie, Diderot veut aussi régler la conscience philosophique. Puisque sa majesté impériale pense que la croyance à l’existence de Dieu et que la crainte des peines à venir ont beaucoup d’influence sur les actions des hommes, — il est à propos que l’enseignement de ses sujets se conforme à sa façon de penser[1]. On leur démontrera donc la distinction des deux substances, l’existence de Dieu, l’immortalité

  1. Plan d’une université, page 490.