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lord-maire offre d’habitude aux ministres pour annoncer formellement la présentation d’un bill de réforme. On sut bientôt qu’à la suite de deux conseils de cabinet, M. Disraeli, sir John Packington et M. Henley avaient été spécialement chargés de préparer le bill annoncé par le premier ministre. L’élaboration en fut longue à cause des dissentimens qui ne cessaient de s’élever au sein du gouvernement ; et, dès les derniers jours de janvier 1859, le bruit se répandit que deux des membres les plus importans du cabinet, M. Walpole, ministre de l’intérieur, et M. Henley, ministre du commerce, refusaient leur adhésion au projet accepté par leurs collègues et se retiraient. La nouvelle était exacte. La retraite des deux ministres démissionnaires était un affaiblissement sensible pour le cabinet. M. Walpole devait une certaine influence à son savoir et à son titre de représentant de l’université d’Oxford ; M. Henley était considéré comme un homme d’un jugement solide et sûr : tous les deux possédaient au plus haut degré la confiance des gentilshommes campagnards. Le Times prétendit même, malignement, que lord Derby perdait beaucoup à la retraite de M. Henley parce qu’il pouvait expérimenter sur lui, à coup sûr, ce qu’il était possible de faire accepter, en fait de réformes ou d’innovations, au parti conservateur : « Si M. Henley qui, toute sa vie, avait répugné à toute espèce de changement, sautait le fossé, on pouvait être sans inquiétude, tout le troupeau dés tories le sauterait après lui ; » Il était donc à présumer que les défections qui se produisaient ainsi aux côtés mêmes de M. Disraeli ne demeureraient pas isolées.

Ce fut le 28 février 1859 que le chancelier de l’échiquier présenta et fit connaître le projet du gouvernement. Il commença par réfuter les systèmes qui avaient été mis en avant par lord John Russell, par M. Bright et par d’autres novateurs. « Il y a, dit-il, deux sortes de réformateurs : ceux qui, sous le couvert d’une simple réforme, voudraient opérer une révolution sociale en transférant le pouvoir politique d’une classe à une autre, et ceux qui veulent seulement développer les principes contenus dans le bill de 1832 et en améliorer les parties défectueuses. » C’était dans cette dernière catégorie que les ministres se plaçaient. Ils s’étaient donné pour tâche de corriger les abus que l’expérience avait signalés et d’introduire dans la législation les changemens en faveur desquels la chambre s’était déjà prononcée à l’occasion de motions particulières, ou que l’opinion réclamait réellement. Il n’y avait qu’un point sur lequel les vœux du pays s’étaient dessinés avec une évidence irrécusable : c’était la nécessité d’agrandir le cercle de l’électorat. Le ministère croyait avoir satisfait aux exigences de l’opinion en accroissant dans une proportion considérable le nombre des électeurs. Il s’était proposé d’appeler à la vie politique tous les citoyens en