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affaires, mais sans pouvoir se dissimuler que l’autorité et le prestige de son administration s’étaient évanouis. Il essaya d’un coup de théâtre. L’ouverture de la session de 1874 avait été fixée au 5 février : le 24 janvier, on apprit que la chambre des communes allait être dissoute, et on put lire une lettre de M. Gladstone à ses électeurs, dans laquelle le premier ministre promettait l’abolition de l’income-tax par la voie d’une refonte générale des impôts, et annonçait d’importans changemens dans l’organisation électorale des comtés.

M. Gladstone avait espéré prendre ses adversaires au dépourvu ; il fut victime de sa propre habileté. Il avait jeté l’inquiétude dans le clergé anglican par quelques paroles où l’on avait vu une menace contre l’église d’Angleterre : les mesures si graves qu’il annonçait inopinément alarmèrent tous les intérêts. La défaite du ministère fut si complète que M. Gladstone déposa immédiatement sa démission entre les mains de la reine, et le 13 mars 1874 le parlement était ouvert par un ministère conservateur.

Les actes de ce ministère sont trop récens pour avoir besoin d’être rappelés. Disposant enfin d’une majorité considérable et fermement unie, M. Disraeli a pu réaliser en grande partie son programme politique. La refonte de la législation sur le travail dans les manufactures, la loi sur les logemens insalubres et diverses autres mesures ont attesté sa constante sollicitude pour les classes laborieuses. Les seuls griefs sérieux de l’Irlande ont reçu satisfaction par l’organisation d’un système d’instruction secondaire et par la création d’une université ouverte aux candidats de toutes les croyances. En finances, l’établissement d’un mode d’amortissement complétant l’œuvre ébauchée en 1868 assure la réduction graduelle de la dette publique. Enfin, quand l’influence et les intérêts de l’Angleterre ont paru sérieusement menacés, le premier ministre n’a pas hésité à retirer des mains débiles et hésitantes du nouveau lord Derby la direction de la politique extérieure ; la Russie a été contrainte d’abandonner en partie les fruits de sa victoire, et la guerre de l’Afghanistan, ordonnée sans hésitation et conduite avec vigueur, a rétabli en Asie le prestige du nom anglais.

Après avoir ramené pour la quatrième fois au pouvoir le parti qu’il dirigeait depuis plus de vingt-cinq ans, lui voyant une majorité compacte, des chefs expérimentés et d’une incontestable valeur, M. Disraeli crut pouvoir s’accorder un repos bien gagné et échanger les luttes et le labeur incessant de la chambre des communes contre l’atmosphère plus calme de la chambre des lords. Il accepta la pairie des mains de la reine avec le titre de comte Beaconsfield : mais peut-être les honneurs et les dignités dont il a été comblé lui ont-ils paru une récompense moins flatteuse que l’ovation qui lui