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ébranlé, à une population à demi ruinée, et l’obtinrent. L’emprunt, le papier-monnaie, les bons du trésor donnent 7 milliards. Le sud succombé, mais la dette fédérale atteint le chiffre énorme de 14 milliards de francs, et le papier-monnaie est déprécié à ce point que 100 francs en or valent 234 francs en greenbacks.

Une lourde tâche incombait au parti républicain : licencier l’armée, réorganiser l’administration dans le sud vaincu et le mettre hors d’état de recommencer la lutte, résoudre le problème financier, liquider la dette et relever le cours du papier-monnaie, seule ressource disponible. Il est vrai que ce parti était maître absolu. Le licenciement de l’armée s’effectua sans difficultés ; quant au sud, nous avons indiqué les mesures prises par les vainqueurs et le vote des 14e et 15e amendemens. Restait la question financière. M. Chase, alors secrétaire du trésor, fit habilement face aux premières difficultés. Soutenu par le président et par le congrès, il décida la création des banques nationales, instrument destiné par lui à relever progressivement les cours du papier-monnaie et à retirer de la circulation une masse considérable de bons du trésor, rachetés par elles à titre de cautionnement. Là ne se bornait pas leur rôle. Créées par le parti dominant, dirigées par ses adhérens, administrées par ses notabilités financières, elles devaient forcément faire cause commune avec lui, servir ses intérêts en même temps que maintenir sa prépondérance, et mettre entre ses mains une organisation puissante qui enserrait tout le pays et recevait son mot d’ordre des chefs.

L’intervention des gros capitaux dans la politique n’est pas chose nouvelle en Amérique, où l’on n’a pas oublié la lutte entre la banque des États-Unis et le président Jackson. Fondée en 1790 par Alexandre Hamilton et constituée gardienne des fonds du trésor, la banque des États-Unis, inféodée au parti fédéral, mettait à sa disposition des avances considérables en numéraire à l’époque des élections. En 1824, Andrew Jackson, deux fois président des États-Unis, posait sa première candidature. Il passait et avec raison pour un ennemi personnel de la banque, dont il était d’ailleurs un adversaire politique. La banque réussit au prix des plus grands efforts à empêcher sa nomination par le collège électoral, mais aucun des candidats n’ayant obtenu la majorité, la chambre des représentans appelée à se prononcer élut Andrew Jackson.

Old Hickory, le vieux bois de fer, comme on l’appelait, ne pardonnait pas plus à ses ennemis qu’il n’oubliait ses amis. Le privilège de la banque expirait en 1836. En 1832 elle sollicitait et obtenait de l’assemblée un renouvellement de sa charte. Le président opposa son veto et rallia la majorité dans le congrès. La banque attendait son remplacement pour faire une nouvelle tentative et