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parlementaire : la responsabilité du chef du cabinet devant le parlement ; la responsabilité des ministres devant le chef du cabinet. Quoiqu’on ait pu tenter pour le faire rentrer dans les attributions de président constitutionnel, il n’a jamais consenti au rôle d’un président irresponsable qui préside et ne gouverne pas. C’était bon pour un prince ou tout autre président. M. Thiers voulait gouverner, quel que fût le titre que l’assemblée lui eût conféré. Voilà pourquoi il n’est pas mort président d’une république constitutionnelle. Ce tout-puissant chef d’état avait un sentiment aussi vif de sa responsabilité que de sa dignité personnelle, et s’il s’est montré jaloux jusqu’à l’excès de sa liberté d’action et d’initiative, il s’est toujours incliné devant la volonté d’une assemblée qui regretterait bien de s’être privée de ses services, si elle vivait encore. Les partis peuvent juger diversement les ministères conservateurs qui se sont succédé sous la présidence du maréchal Mac Mahon. Ce qu’aucun ne peut nier, c’est qu’ils ont tous eu un programme de résistance, nettement affirmé, et résolument appliqué.

Ce n’est qu’à partir des ministères vraiment républicains que les discours en public et les vagues déclarations de principes ont remplacé les programmes précis de questions et de solutions. S’il est un homme respecté pour son caractère, admiré pour son éloquence, connu pour ses sentimens conservateurs, fait, en un mot, pour honorer et servir le gouvernement parlementaire, c’est M. Dufaure. On ne peut lui reprocher d’avoir enveloppé son programme de résistance dans des phrases équivoques applaudies à gauche et à droite. C’est même pour la netteté et la fermeté de son langage qu’il a perdu les sympathies de la chambre républicaine élue après le vote de la constitution. Pourquoi, avec la force de résistance, n’a-t-il pas eu la vigueur d’initiative ? Pourquoi n’a-t-il pas même essayé de diriger la politique du cabinet dont il était le chef, de prévoir, de prévenir les incidens de nature à le pousser dans une voie qui n’était pas la sienne ? C’est qu’il n’avait pas nettement tracé cette voie d’avance, affirmé chaque fois qu’il en était besoin jusqu’où il pourrait aller pour satisfaire les vœux légitimes du parlement, et la limite précise où son devoir de ministre républicain conservateur était de s’arrêter. S’il l’eût tenté, il n’eût peut-être pas été impossible de former dans cette chambre, qui avait plus de bonne volonté que d’expérience, une majorité de gouvernement qu’il eût pu diriger, au lieu d’être forcé de suivre une majorité confuse et incohérente dans le désordre de son activité passionnée et fiévreuse. S’il est un esprit fin, vif et sagace, fait pour une politique de prévision et d’initiative que nul talent de tribune n’est plus apte à faire prévaloir au sein des assemblées, c’est M. Jules Simon. Mais a-t-il cru faire un véritable programme de