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donc les taxes indirectes que sur les objets de luxe. S’il avait vécu de notre temps, qu’il eût vu d’abord que ces choses de luxe, parmi lesquelles il rangeait le sucre, sont devenues des choses de consommation générale, presque de première nécessité, et qu’il eût constaté ensuite qu’en leur appliquant un tarif modéré on pouvait en obtenir des sommes considérables sans aucun trouble, il est probable qu’il aurait modifié ses idées et aurait eu moins d’éloignement pour les impôts de grande consommation. Il y aurait trouvé d’ailleurs l’application de sa troisième règle, qui est de percevoir l’impôt suivant le mode le plus favorable au contribuable : quoi de plus favorable pour celui-ci que de le payer quand il le veut et en général sans s’en apercevoir ? Adam Smith n’a pas montré non plus très nettement que les impôts, sous quelque forme qu’ils se présentent, entrent en définitive dans les frais généraux de la production, et que la seule question à examiner en conséquence est de savoir s’ils ne chargent pas trop ces frais et si l’état rend réellement des services en proportion de l’argent qu’il reçoit. Les questions de justice et de proportionnalité, grâce à la répercussion, sont d’ordre secondaire à côté de celle-là.

Le duc de Broglie s’est attaché, quant à lui, à combler en partie cette lacune. Il a démontré d’abord par des argumens péremptoires que les services rendus par l’état étaient non-seulement productifs, mais les plus productifs de tous, en ce sens qu’ils assurent le premier des biens qui est la sécurité, celle-ci nous permettant de développer en paix toutes les facultés que nous possédons. L’état rend d’autres services encore qui ont leur importance et pour lesquels il ne pourrait pas être suppléé. Cela étant, il est naturel de considérer ces services comme une des charges de la production au même titre que tous les antres. Et cette production, quelle est-elle ? Elle est le résultat du travail de l’année, l’ensemble du revenu brut sur lequel nous vivons tous, qui sert à payer le salaire de l’ouvrier, le traitement de l’employé, les honoraires du médecin et de l’avocat, qui supporte en un mot toutes les dépenses, l’impôt comme le reste, et il est bien évident que, si, une fois les dépenses payées, il y a un excédent, cet excédent, qui constitue le revenu net, ne peut pas supporter d’impôt, ou plutôt, car c’est ici une querelle de mots, il Va supporté par avance et a été diminué d’autant. C’est en vain qu’on chercherait à atteindre, séparément et comme revenu net, la rente du propriétaire ou le revenu du capitaliste, la taxe serait toujours prélevée sur le fonds même de la production ; seulement elle le serait par un effet indirect et grâce à la répercussion. Le propriétaire et le capitaliste augmenteraient en conséquence l’un le taux de sa rente, l’autre l’intérêt de son capital, et quant à ceux qui auraient à subir cette augmentation, le fermier ou l’emprunteur,