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n’être pas oublié. Qu’on surveille les frères et qu’on les réprime s’ils sont en défaut, qu’on ferme leurs écoles si elles ne sont pas dans les conditions voulues, si elles sont insuffisantes, soit ; mais lorsqu’on met à proscrire de modestes établissemens une obstination haineuse et méthodique, lorsqu’on avoue tout haut un système de persécution contre des écoles religieuses parce que ce sont des écoles religieuses, on fait tout simplement de la république un gouvernement de parti ou de secte, d’agitation et de combat. On trouble sans nécessité des habitudes traditionnelles et d’honnêtes croyances, on arrête sur le seuil du régime nouveau ceux qui croyaient pouvoir y entrer avec l’inviolabilité de leur foi ; on lève le drapeau d’une intolérance d’un nouveau genre, et, au lieu de pacifier, de concilier, de désarmer les résistances par la sagesse, on prépare des luttes sans fin et peut-être d’inévitables réactions. Si ce n’est qu’à ce prix qu’on peut se donner le courage de repousser l’amnistie plénière, ce n’est pas la peine, la politique est exactement la même et ne peut avoir au bout du compte que les mêmes résultats.

Les républicains d’un certain ordre ont un autre malheur : ils n’ont pas seulement le goût des agitations inutiles, des questions irritantes, ils ont toutes les passions ombrageuses, les fanatismes jaloux des partis exclusifs. Ils ont, eux aussi, une orthodoxie hors de laquelle il n’y a pas de salut. Tant qu’ils ont eu à lutter pour l’existence même de la république et qu’ils ont eu besoin de secours, ils se sont prêtés aux transactions et aux alliances profitables ; depuis qu’ils sont arrivés ou qu’ils ont cru être arrivés au succès, ils retrouvent par degré leur humeur despotique et exclusive. Il suffit de les contredire pour n’avoir plus droit de cité dans la république. Il y a longtemps, bien entendu, que les libéraux modérés sont traités en ennemis. Le centre gauche lui-même est relégué parmi les vieux partis et ne compte plus ; il ne sera reçu à résipiscence que s’il consent à s’incliner devant la vérité républicaine, comme on l’entend. Depuis que M. Jules Simon, par un sentiment de fidélité aux traditions libérales, s’est prononcé nettement, résolument contre l’article 7, il n’est plus qu’un clérical, un réactionnaire déguisé. Il y a quelques jours à peine, un homme à qui l’âge et la maladie semblent donner une sérénité supérieure d’esprit, M. Littré, a écrit une étude pleine d’élévation et d’intérêt sur la situation présente. Il dépeint cet état bizarre avec autant de clairvoyance que de courage, sans illusions vaines et sans optimisme, rappelant les fautes du passé, indiquant les écueils sur lesquels on risque de se briser, montrant les dangers du radicalisme et la nécessité pour le nouveau régime d’une politique rassurante pour les croyances et pour les intérêts. Aussitôt M. Littré est relégué, lui aussi, dans le parti de la trahison : ce n’est qu’un raisonneur suranné qui n’est plus à la hauteur des circonstances. Ainsi les exclusions se succèdent et se multi-