Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/524

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La France avait mis un temps relativement très court à parcourir les diverses phases de sa révolution sociale. Ces phases peuvent se diviser en trois époques qui embrassent vingt-cinq années (1789-1814) : la première, de 1789 à 1792, a vu tomber des institutions séculaires et naître un état libre modelé d’après les utopies du XVIIIe siècle ; la seconde, de 1792 à 1804, a été remplie par l’essai du gouvernement républicain ; enfin l’empire, de 1804 à 1814, a réalisé le projet qu’avait formé le vaste génie de Napoléon et rétabli la France sur des bases monarchiques.

A l’exception d’un petit nombre de fanatiques incorrigibles, la forme républicaine ne comptait plus de partisans dans le pays. Ils avaient disparu, d’abord à la suite de la terreur, qui s’était élevée sur les ruines du trône, des anciennes institutions, de tout ce qui avait survécu aux règnes de Louis XIII et de Louis XIV, à la décadence morale et aux troubles de la régence et de la période de Louis XV ; en second lieu, à la suite de l’état de déconsidération et de faiblesse où était tombé le directoire. La forme de gouvernement introduite par Napoléon convenait parfaitement à la France ; mais le pays était fatigué de toutes ces guerres qui semblaient ne devoir jamais finir. On désirait le retour des Bourbons, il est vrai ; mais ce sentiment n’avait nullement le caractère que lui prêtaient les royalistes, ce parti si singulièrement réduit par les vingt-six dernières années. Ceux qui voulaient la restauration des princes légitimes, c’étaient les amis de l’ordre public et de la paix politique, c’est-à-dire l’immense majorité de la nation, qui en tout temps et dans tout pays a mis en première ligne dans ses calculs les véritables intérêts de la patrie.

Ce n’est donc pas dans l’esprit public que se rencontraient les vraies difficultés pour les Bourbons lorsqu’ils remontèrent sur le trône ; elles étaient dans la ligne de conduite que la royauté avait adoptée. Le retour à ce qu’on appelait « l’ancien régime » était impossible ; car du régime d’autrefois il ne restait plus que le souvenir des causes de sa chute. Aussi les Bourbons n’ont-ils jamais songé à le rétablir ; je dirai plus : cette dénomination n’a jamais été qu’une sorte de flétrissure imaginée par les ennemis des Bourbons dans le dessein d’effrayer les masses.


    et si jamais je devais disparaître par suite d’une catastrophe, nul autre qu’un Bourbon ne pourrait s’asseoir à cette place ! »