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voire tous ceux de notre France, meirent à qui mieux mieux lesdicts psaulmes en musique, et chacun les chantoit. Mais si personne les aima et embrassa estroictement et ordinairement, les chantoit et faisoit chanter, c’estoit le feu roi Henry ; de manière que les bons en bénissoient Dieu, et ses mignons et sa meretrice les aimoyent, ou faignoyent ordinairement les aimer ; tant qu’ils disoyent, monsieur, cesluy-ci ne sera-t-il pas mien ? Vous me donnerez celuy-là, s’il vous plaist, et ce bon prince alors estoit à son gré empesché à leur donner à sa fantaisie. Toutesfois il retint pour luy, dont il vous peult bien et doist souvenir, madame, cesluy,


Bien heureux est quiconques
Sert à Dieu volontiers, etc.


feit luy mesme le chant à ce psaulme, lequel chant estoit fort bon et plaisant et bien propre aux parolles ; le chantoit et faisoit chanter si souvent qu’il montroit évidemment qu’il estoit poinct et stimulé d’estre béneict, ainsi que David le descrit au dict psaulme…

« Je n’oubliai aussi le vostre que demandiez estre souvent chanté, c’estoit


Vers l’Éternel, des oppressés le père,
Je m’en iray…


« Quand ma dicte reine de Navarre vit ces deux psaulmes et entendit comment ils estoyent fréquentement chantés, mesme de monseigneur le Dauphin, elle demeura toute admirative, puis me dict : Je ne scay où madame la dauphine a pris ce psaulme : Vers l’éternel, il n’est des traduicts de Marot… »

La dauphine, Catherine de Médicis, avait une Bible en français, comme la grande sénéchale, comme presque toutes les dames de la cour. Les idées nouvelles reçurent surtout bon accueil chez les grands, chez les femmes, chez quelques évêques lettrés ; elles remuèrent ce qu’il y avait de plus aristocratique dans la nation, et l’on n’aperçut pas tout d’abord l’abîme qui se creusait entre la réforme et le catholicisme.

L’espoir d’une grande réforme catholique avait été caressé ailleurs qu’en France. L’empereur Charles-Quint s’y était appliqué ; le cardinal Granvelle l’avait recommandée au saint-siège ; ce qu’on nomme l’intérim d’Augsbourg était une sorte de compromis qui, dans la pensée de Charles-Quint, devait empêcher le déchirement de la chrétienté. Beaucoup de catholiques et, dans le nombre, des évêques désiraient l’abolition du culte des images, le rétablissement de la communion sous les deux espèces, l’emploi de la langue vulgaire dans les prières liturgiques ; toutes sortes de transactions théologiques furent tentées. On ouvrit des colloques où l’ancienne