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principaux, n’accepte pas tout, et même, les affaires extérieures toujours mises à part, sous d’autres, rapports, dans un certain ordre de questions, il tient à montrer de temps à autre qu’il n’abdique pas, qu’il ne veut pas livrer les garanties les plus essentielles de l’autorité publique. Il n’a point hésité dès le premier jour à se prononcer contre toute extension de l’amnistie, et l’énergique langage de M. le garde des sceaux, dans son récent rapport, imprime un stigmate de plus au sinistre crime de la commune. Le ministère n’en est sûrement pas à se préoccuper des prétentions exorbitantes du conseil municipal de Paris élevant tribune contre tribune, et faute de mieux il annule ses délibérations les plus criantes. Il réprime les excès quand il peut et il s’efforce de faire respecter les lois. Le gouvernement est occupé à semer sur son chemin les bonnes intentions. Malheureusement il en est souvent pour ses bonnes intentions peu suivies d’effets. Il est composé lui-même de manière à se sentir à chaque instant paralysé dans ses volontés, dans son action par les opinions et les alliances de quelques-uns de ses membres. Après tout, si le gouvernement a eu des embarras avec l’amnistie et les amnistiés, avec tout ce monde d’agitateurs, s’il souffre d’un certain relâchement dans tous les ressorts de l’organisation publique, c’est la faute de M. le ministre de l’intérieur, qui n’a rien vu, rien prévu et a laissé tout faire. C’est M. le ministre de l’instruction publique qui a le plus contribué à compromettre d’une autre manière le gouvernement, à compliquer sa position avec ses lois aussi violentes qu’étourdies et ses promenades agitatrices. C’est bien quelqu’un apparemment qui a imposé aux répugnances notoires d’une partie du cabinet un acte qu’on s’est vu réduit à rétracter quelques jours après. Le gouvernement est encore trop modéré pour ne pas sentir le danger d’une certaine politique aux couleurs prétendues républicaines, et il est trop engagé d’un autre côté par quelques-unes de ses propositions, par quelques-unes de ses connivences, pour pouvoir réagir avec autorité contre cette politique, qui n’est après tout que de l’excitation stérile. Il a contre lui les influences qui le pressent, les sommations impérieuses dont il est souvent assailli, en même temps que ses propres divisions.

Que résulte-t-il de cet ensemble de faits ? La conséquence est visible : c’est cet état d’incertitude universelle et de débilité inquiète qui va en s’aggravant depuis six mois, qu’on sent quelquefois encore plus qu’on ne peut le définir ; c’est cette situation singulière où, par des incohérences de partis, par des indécisions de gouvernement, les difficultés s’accumulent, et où, faute d’oser aborder ces difficultés qu’on a créées, pour échapper aux crises qu’on a préparées, sans doute aussi pour bien débuter dans la session, on finit par se rejeter sur des affaires personnelles, sur l’éternelle question des fonctionnaires. Là-dessus tout le monde se remet d’accord, c’était prévu ! Tout ce qu’on demande pour le moment au ministère, s’il veut avoir la paix, c’est de mener