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il signale la variété de jolies coquilles qui pareraient à merveille les cabinets d’histoire naturelle.

Le principal village de la région, Tepuna, se compose d’une centaine d’habitations groupées sur la grande terre et dans une petite île. Sur l’île aux rives abruptes, habite le chef dans une case où s’étale ; une véritable richesse de lances et d’autres armes. Au témoignage du voyageur, ce chef était intraitable sur le chapitre des mésalliances ; une de ses filles tenue captive dans une misérable hutte expiait depuis plusieurs années la faute de s’être éprise d’un homme de rang inférieur. Le docteur Savage déclare les Néo-Zélandais de beaux hommes, vraiment doués sous le rapport de l’intelligence. Visiblement impressionné par les yeux noirs, pénétrans, des jeunes personnes de la baie, il juge les femmes fort agréables ; si la quantité d’huile et d’ocre rouge dont elles s’imprègnent répugne au goût d’un Européen raffiné, néanmoins la physionomie, la contenance, le son de voix les rendent, à son avis, des compagnes charmantes. D’après les informations de l’explorateur, la population se partage en trois classes : les ministres du culte, les hommes qui portent les armes, une vile multitude. En ce pays, les premiers objets d’adoration sont le soleil et la lune. La lune est particulièrement révérée ; on se figure que l’astre des nuits est la demeure d’un homme qui, ayant autrefois visité la Nouvelle-Zélande, se préoccupe toujours du bonheur de ses habitans. Les chefs de la côte, gens assez humbles, marchant pieds nus, paraissent être sous la dépendance de chefs plus importans qui résident dans l’intérieur ; ces derniers se distinguaient en se faisant porter sur les épaules dans une sorte de palanquin primitif. Savage a la meilleure opinion du caractère des Néo-Zélandais. Si les braves insulaires, contraints par la dure nécessité, pense-t-il, mangent de la chair humaine, ils n’ont aucune prédilection pour ce genre de nourriture. En un mot, les habitans de la Nouvelle-Zélande sont des gens aimables et affectueux.

Savage a constaté la polygamie ; un chef avait pour épouses les quatre sœurs. Il a vu comment on pratique l’opération du tatouage avec une pointe d’os ; il a fort examiné le vêtement d’herbes liées ou entrelacées ; sous ce manteau les gens assis ressemblent à des ruches d’abeilles surmontées d’une tête. Considérant le mode de coiffure, il n’oublie pas de rappeler l’usage d’oindre les cheveux d’ocre rouge et d’huile de poisson ; il ne saurait le trouver extraordinaire parce que les Européens donnent la préférence à la poudre blanche mêlée à des substances onctueuses[1]. A la baie des Iles, un progrès manifeste était réalisé depuis le passage de Cook : on

  1. À cette époque, l’usage de la poudre n’était point encore abandonné en Europe d’une manière générale.