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raisons, parce que la majorité qui a voté l’ordre du jour ne représente pas même la moitié de la chambre et parce qu’il y a eu bon nombre d’abstentions qui ressemblent à une suspension d’hostilités, à un ajournement de la querelle jusqu’à la session prochaine, qui s’ouvrira dans un mois. D’un autre côté, le gouvernement avait à peine son vote de confiance que M. le garde des sceaux Le Royer, fatigué ou dégoûté d’un pouvoir que les obsessions ne rendent pas facile, a cru devoir donner sa démission, laissant ainsi dans le cabinet un vide qu’il faut combler, et pour le combler il faut choisir, il faut se décider pour une politique. Ce n’est plus comme au 20 janvier 1879, c’est autre chose, de telle sorte qu’au bout de cet imbroglio d’hiver, qui ne fait que se compliquer en chemin, on n’est peut-être pas beaucoup plus avancé, et que malgré l’ordre du jour du 4 décembre, la question de l’ascendant, de l’intégrité ou de la reconstitution du ministère demeure à peu près entière.

Rien n’est plus vrai, l’incertitude est loin d’être dissipée ; la situation est à la fois compliquée et indécise comme tout ce qui existe aujourd’hui, et le vote du 4 décembre n’a rien résolu d’une manière nette et définitive. Il était politiquement si peu une solution qu’il a été suivi à courte date de ce premier démembrement du ministère dont M. Le Royer a donné le signal et que depuis ce moment la crise est dans l’air. Il y a cependant, au milieu de toutes ces obscurités et ces confusions, des élémens d’appréciation, de décision qu’on peut dégager avec profit pour le pays, pour le gouvernement lui-même, pour la marche des affaires. Précisons mieux : ainsi il est d’abord évident que si le dernier ordre du jour n’a pas la clarté décisive et l’autorité d’un de ces actes parlementaires qui sont la force d’un cabinet, il ne reste pas moins une manifestation de quelque valeur ; il tire surtout une signification particulière de ce fait qu’il a été voté en opposition avec une motion bien autrement vive proposée par l’union républicaine. L’ordre du jour des dissidens et des impatiens de l’union républicaine exprimait ! e vœu que le gouvernement se livrât à des épurations à peu près illimitées, qu’il poursuivît la guerre contre le cléricalisme et qu’il procédât à de grandes réformes, « notamment en ce qui concerne l’ordre judiciaire. » L’ordre du jour adopté comme l’expression des opinions et des vœux de la chambre se borne à témoigner la confiance que le cabinet est décidé à faire respecter le gouvernement de la république et à écarter des emplois publics les « fonctionnaires hostiles à nos institutions. » La différence est certainement sensible. De plus, si la majorité qui a voté l’ordre du jour ne représente numériquement que la moitié de la chambre, elle forme encore le noyau le plus important, le plus sérieux de l’assemblée, d’autant plus sérieux qu’il est dégagé des élémens du radicalisme. Enfin cette déclaration motivée de confiance, elle a été votée sous l’impression du discours de M. le président du conseil, dont elle est en quelque sorte