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hébreu même[1]. Ce chiffre d’un demi-mille semble peu de chose en comparaison de la multitude d’écrits périodiques de toute sorte chez d’autres nations modernes ; il est trois fois moindre environ que celui des feuilles françaises, et notablement inférieur à celui des journaux périodiques imprimés à Paris[2]. Qu’est-ce donc à côté des États-Unis d’Amérique ? Pour la Russie, le progrès n’en est pas moins considérable, et d’ailleurs l’on ne saurait mesurer l’importance et la valeur d’une presse au nombre de ses organes ou à la quantité de papier par elle employé.

Le petit nombre relatif des journaux s’explique assez en Russie, tant par la situation politique que par le peu de diffusion de l’instruction. Ce qui fait surtout défaut, ce sont les feuilles locales et les feuilles populaires. En aucun pays peut-être la centralisation de la presse au profit de la capitale n’est plus grande, en aucun les journaux ne gardent par leur format, par leur contenu, par leur prix même, un caractère plus aristocratique ou bourgeois. Les grandes feuilles y sont notablement plus chères qu’en Angleterre ou en France, et rien n’y ressemble à nos journaux à un sou. En faveur près des classes supérieures, la presse n’atteint pas le peuple et ne semble faire aucun effort pour arriver jusqu’à lui. Les mœurs, les lois, les vues du pouvoir, l’état économique du pays, tout est fait pour décourager les hommes ou les capitaux tentés de se jeter dans une telle entreprise. Aussi l’infériorité de la Russie à cet égard ne semble-t-elle pas près de prendre fin[3].

Pour les grands journaux, la Russie est déjà l’égale des peuples du continent. Le Golos (la Voix), la Gazette (russe) de Saint-Pétersbourg, la Gazette de Moscou, la Gazette de la Bourse, le Nouveau Temps, et quelques autres dont le nom est moins familier à l’Occident, ne le cèdent guère à leurs plus illustres émules d’Angleterre, de France ou d’Allemagne, ni pour la valeur littéraire de la rédaction, ni pour l’étendue des informations, ni pour le sens critique ou le tact politique. Les feuilles de Saint-Pétersbourg qui ont la légitime prétention de rivaliser avec les organes les plus en renom de l’étranger, ne sont point pour cela servilement calquées sur le type anglais, allemand ou français.

Le journalisme russe gardé son originalité, ses usages, sa

  1. La Finlande possède relativement un plus grand nombre de journaux, cinquante-quatre en 1878, dont vingt-quatre en suédois et trente en finnois. Paris a pu voir à l’exposition de 1878 une intéressante collection de spécimens de la presse finlandaise.
  2. En 1878, on comptait en France sept cent vingt-six feuilles périodiques imprimées à Paris et neuf cent vingt-huit dans les départemens, y compris l’Algérie.
  3. De tous les pays soumis au sceptre du tsar la Finlande est aujourd’hui le seul en possession d’une presse vraiment populaire, pénétrant jusqu’à l’ouvrier et au paysan, cela sans doute grâce aux habitudes du culte luthérien et aux traditions constitutionnelles.