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l’enseignement. Jour et nuit, à table comme en récréation, à l’étude comme en promenade, c’est à sa garde que les collégiens sont confiés. Pour eux, son esprit, son caractère, ses idées, ses habitudes, ses occupations, auront une importance énorme. Voyons donc ce qu’est ce commensal, ce compagnon et ce directeur.

« Les maîtres d’étude sont généralement soit des jeunes gens qui acceptent de fatigantes et difficiles fonctions pour avoir le loisir de se préparer à un emploi plus relevé, soit des hommes déjà mûris par l’âge et par les déceptions, qui exercent leur état avec le désir, mais non avec l’espérance d’en sortir. Dans le premier cas, on remet les enfans à des personnes sans expérience pédagogique, dont la pensée et l’activité sont tournées vers les examens qui les attendent. Dans l’autre hypothèse, on les confie à des hommes qui, par la seule prolongation de leurs fonctions, donnent d’eux-mêmes une opinion peu favorable. Je ne voudrais rien écrire qui pût être tourné contre ces serviteurs sacrifiés du système universitaire, envers qui le lycée a eu le double tort de ne pas savoir s’en passer et de ne pas les avoir rendus respectables aux élèves ; mais je ne crains pas d’être contredit si j’affirme que l’autorité leur manque pour être les éducateurs que nous cherchons.

« La savante organisation de nos collèges, qui a la prétention de se charger d’élever les générations nouvelles, vient aboutir à un fonctionnaire qui est en lutte sourde avec ses élèves et qui n’en est ni aimé, ni respecté. De là le vide désolant qui règne dans la vie morale du lycée. On a trop souvent dépeint la situation du maître d’étude au milieu de cette population turbulente et malicieuse pour qu’il soit nécessaire d’y revenir. Si quelques-uns opposent à leurs épreuves journalières une inaltérable bonne humeur ou une patience invincible, beaucoup ne songent qu’à s’arranger une vie supportable au milieu de ce purgatoire, fût-ce aux dépens des élèves. Ils croient avoir assez fait quand leur bande d’écoliers se tient bien en rang et garde le silence à l’étude et au dortoir ; pour tenir les enfans à distance, ils adoptent un rôle soit d’indifférence absolue, soit de sécheresse cassante, soit de cérémonieuse ironie, soit d’humeur farouche. Telle est l’éducation dans le pays où ont écrit J.-J. Rousseau et Fénelon. Il n’est question ici ni de confiance, ni d’attachement ; le lycée a remplacé l’éducation par la discipline, et il a réduit l’action du maître sur l’élève à un système de récompenses et de punitions. »

Voilà donc cette pièce essentielle du mécanisme de nos internats : un fonctionnaire sans autorité sur les élèves et qui n’en est le plus souvent ni respecté ni aimé. Comment d’ailleurs en pourrait-il être autrement ? Pour imposer à la jeunesse, rien ne vaut le