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que le cricket[1]. En revanche ils leur ont emprunté leurs grandes promenades, leurs jeux de boule et leurs exercices de natation, sans compter l’escrime et la gymnastique, qui sont fort cultivées dans leurs maisons, encore qu’elles n’y soient pas obligatoires. Outre les promenades habituelles du dimanche et du jeudi qui durent quatre heures en été, trois heures en hiver, ils ont institué de véritables excursions à la campagne avec déjeuner et dîner en plein air. On part le matin dès l’aube et l’on ne rentre qu’à la nuit, après avoir couru les bois et les champs.

Mais de toutes ces distractions et de tous ces exercices, le plus salutaire encore est celui de la récréation. Dans nos collèges, faute d’espace, on ne joue pas, ou l’on ne joue que dans les basses classes, et encore. Chez les jésuites, les jeux sont obligatoires. Défense de s’asseoir ou de se promener. Qu’on le veuille ou non, il faut courir et se remuer. Le maître est là qui donne l’exemple et qui se fait pour un moment le camarade de ses élèves. Il ne croit pas déroger. Ce n’est pas un fonctionnaire, comme chez nous, c’est un ami plus âgé qu’on aime et qu’on respecte. Et comment ne l’aimerait-on pas ? S’il est entré dans la compagnie, ce n’est pas contraint et forcé ; c’est par goût et par vocation. Très souvent il est de bonne famille, et, s’il était resté du monde, il y eût fait figure. Il portait un beau nom, il avait de la fortune, des alliances, une carrière. Il aurait pu se pousser dans la finance, ou gagner gros dans l’industrie. Il a préféré prendre la soutane, et se consacrer à l’éducation. Sa tâche, il ne la considère pas « comme une servitude ou comme un pis-aller[2], » son rôle est plus important, plus grand, plus élevé que celui du professeur lui-même. En effet, « l’enseignement n’est qu’un moyen, est-il écrit dans le Ratio studiorium, le but final est de porter l’enfant à la connaissance et à l’amour de son Créateur et de son Rédempteur. » Et ailleurs il est encore écrit : « Ce que les jeunes gens doivent surtout puiser dans la discipline de la compagnie, ce sont de bonnes mœurs, » l’instruction ne passe qu’après. Aussi le préfet des mœurs n’est-il en rien inférieur aux professeurs. Ce n’est pas comme chez nous un étudiant en médecine ou en droit qui vient demander le vivre et le couvert à l’Université, ou bien un aspirant professeur qui n’a pas encore pris ses grades ; c’est au contraire un sujet d’élite que le supérieur a distingué parmi ses frères, et qu’il a placé au poste qui exige le plus de dévoûment et de qualités morales. Les jésuites disent volontiers que le père provincial est plus embarrassé pour trouver un bon surveillant que pour

  1. Voir le rapport de MM. Demogeot et Montucci sur l’enseignement secondaire en Angleterre.
  2. M. Jules Simon (voir le chapitre du maître d’étude).