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des attaques d’hystérie, d’épilepsie et de somnambulisme[1]. C’est ainsi qu’on est arrivé à décrire minutieusement des phénomènes psychologiques si bizarres et si fantasques qu’on y voyait, il n’y a guère plus de deux siècles, le souffle du diable et de tous les démons de l’enfer !

Peut-être sera-t-on étonné de savoir qu’il y a des hystériques enfermées à la Salpêtrière. En effet on n’est pas habitué à considérer l’hystérie comme une maladie grave nécessitant ou autorisant la réclusion. Assurément on n’a pas tout à fait tort ; car, en vérité, la maladie est à tous les degrés. De même qu’il y a certaines brûlures tellement superficielles qu’on les ressent à peine, et d’autres tellement étendues et profondes qu’elles entraînent immédiatement la mort, de même qu’il y a des fièvres insignifiantes et des fièvres rapidement mortelles, de même il y a des hystéries légères, presque imperceptibles, une disposition de l’organisme plutôt qu’une maladie, et à côté d’elles des hystéries graves, si graves qu’elles se confondent avec la démence, avec la paralysie générale et avec l’épilepsie.

À la Salpêtrière, comme on le prévoit sans peine, il n’y a guère que l’hystérie grave. Quant à l’hystérie légère, on la trouve partout. Les médecins, quand ils parlent d’une femme nerveuse, disent : une femme hystérique ; et quoique ce langage, trop médical peut-être, paraisse déplaisant dans une conversation ou dans un roman, on peut dire qu’il n’est pas déplacé dans une étude psychologique, car ce qu’on appelle les nerfs d’une jeune femme, c’est tout simplement de l’hystérie.

Je m’imagine que tout le monde connaît plus ou moins les bizarreries du caractère des femmes nerveuses. Tous leurs sentimens sont portés à l’extrême. Il suffit du plus petit événement pour provoquer leur enthousiasme ou leur désespoir. Personne ne pleure avec autant de facilité. Il semble même qu’elles possèdent la clé des larmes, au moins pour les faire couler, car pour y mettre un frein, c’est une autre affaire. Dire que les hystériques pleurent pour peu de chose est encore exagéré, car elles pleurent pour rien ; elles se sentent tout d’un coup envahies par une douleur indéfinissable, par une tristesse incompréhensible, vague, à laquelle il n’est pas possible de résister. C’est comme une boule qui remonte de la poitrine à la gorge, qui empêche de respirer et qui étouffe. Il faut alors se retirer, se cacher dans le coin le plus obscur de la maison, et là, sans être vue ni entendue, pleurer, sangloter pendant des heures

  1. Ce sont ces photographies, si instructives pour l’histoire des maladies nerveuses, qui forment la belle publication de MM. Bourneville et Regnard, intitulée Iconographie photographique de la Salpêtrière.