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a Saint-Leu, lacère, des affiches apposées dans la gare, si bien qu’on l’arrête. On la ramène à la Salpêtrière, où elle accouche d’une fille (1867). En 1870, elle s’échappe, se fait infirmière à l’hôpital Saint-Antoine ; mais un jour, disputant avec une religieuse, elle se livre à des voies de fait, de sorte qu’on la renvoie. L’armistice signé, elle quitte Paris pour aller voir sa fille qui est en Bourgogne. A Montbard, elle est retenue par les Prussiens : elle reste huit jours dans leur camp. Elle revient à Paris, et rentre de nouveau à la Salpêtrière, d’où elle ne sortira plus qu’à de rares intervalles. Un jour elle veut s’enfuir et grimpe sur le toit dans le costume le plus simple qu’on puisse imaginer. Une autre fois, ayant lu dans les journaux les récits qu’on faisait de la miraculeuse Louise Lateau, elle veut aller en Belgique pour rendre visite à « sa sœur. » Dès qu’elle est sortie de l’hôpital, elle part pour Louvain. En passant au Quesnoy (près de Lille), elle est prise d’une attaque ; elle continue cependant sa route vers Bruxelles. Dans cette ville, elle aurait eu des « aventures » qui l’empêchèrent de rendre visite à sa sœur. Elle finit par rentrer à la Salpêtrière (1877), et elle y est depuis lors, ayant toujours des accès démoniaques, assez docile en général, et, dans une certaine mesure, suffisamment raisonnable, racontant à qui veut l’entendre sa longue et invraisemblable épopée[1].

On lira peut-être avec plus d’intérêt l’histoire de G… si on veut bien être persuadé qu’il y a deux cent cinquante ans, elle aurait été exorcisée, et qu’au XVIe siècle, elle eût été condamnée comme sorcière, et brûlée vive.


III

A l’étude de l’accès démoniaque se trouve lié le mystérieux problème du somnambulisme. Il est nécessaire d’entrer dans quelques détails à ce sujet ; car on ne saurait comprendre la vraie nature de certaines épidémies du moyen âge, si on ne connaissait pas les divers symptômes du sommeil dit magnétique. D’ailleurs l’effronterie des charlatans a mêlé tant de sottises aux faits réels, qu’il est difficile aux personnes qui n’ont pas fait de cette maladie une étude spéciale de garder une juste mesure entre la crédulité qui admet tout, même l’absurde, et le scepticisme qui n’admet rien, pas même la vérité.

En 1778 arrivait à Paris un médecin allemand, nommé Antoine Mesmer. On racontait de lui des histoires merveilleuses. Il avait,

  1. Pour le récit plus détaillé des faits relatifs à G…, je renverrai à l’Iconographie photographique, première partie, p. 65 et suiv.