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magnétisme. Elles avaient essayé de protester contre l’enthousiasme universel. L’Académie des sciences nomma une commission dont Bailly fut rapporteur, cet infortuné Bailly qui, quelques années plus tard, devait périr sur l’échafaud. Sa conclusion fut que le fluide magnétique n’existe pas, et que les expériences et les observations de Mesmer ne sont fondées sur rien de sérieux. Un des commissaires, le célèbre Laurent de Jussieu, ne crut pas devoir signer ce rapport, et dans un mémoire qui eut un grand retentissement, il admit qu’il y a une part de vérité dans le mesmérisme, et qu’il faut essayer de connaître cette vérité noyée au milieu de jongleries indignes d’un savant.

De fait, ce n’est pas Mesmer qui est le créateur du magnétisme animal. Si le marquis Armand de Puységur n’avait pas repris ses expériences, le magnétisme n’existerait pas, et le souvenir du baquet de Mesmer irait se confondre avec les histoires des convulsionnaires de Saint-Médard. Puységur, à Soissons, guérit quelques malades en les touchant, puis il en guérit d’autres, et d’autres encore. Il fait des élèves, il écrit de nombreux mémoires, il indique, les procédés qu’on doit suivre pour endormir un sujet, il décrit les ; phases du somnambulisme provoqué (1785-1825). De toutes parts, des expérimentateurs, dont la bonne foi, sinon le bon sens, ne saurait être suspecte, répètent les expériences de Puységur : des médecins, des savans s’en occupent et les confirment en partie. Petetin, Deleuze, Dupotet, Husson, Braid, et bien d’autres, dont les noms sont obscurs, développent, commentent les idées de Puységur. De leur œuvre confuse, perdue dans des erreurs absurdes et des sottises difficiles à imaginer, un fait ressort en toute évidence, c’est qu’une névrose d’une nature spéciale peut être provoquée chez des sujets plus ou prédisposés. Aujourd’hui tous les médecins éclairés reconnaissent que le somnambulisme existe avec des symptômes toujours identiques, et qu’il y a lieu de le reconnaître comme une espèce morbide spéciale. Nous pouvons essayer de dire en peu de mots ce qu’il faut croire, en faisant remarquer que nous n’en parlons pas par ouï-dire, mais d’après des faits vus et observés par nous.

Les procédés à l’aide desquels on provoque le somnambulisme sont irréguliers et empiriques. Chez les sujets prédisposés et habitués déjà par des attaques antérieures de somnambulisme à être affectés de cette névrose, il suffit d’un certain ébranlement du système nerveux, quelquefois le plus insignifiant du monde en apparence. En une demi-minute à peine, on peut endormir un sujet qui a déjà été souvent endormi. Mais quand on veut agir sur une personne qui n’a jamais encore été magnétisée, il faut suivre les préceptes des magnétiseurs, quelque ridicules qu’ils soient. On se