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des montagnes autour des villages et suffisent à peine avec l’aide du pâturage, à nourrir les misérables habitans de ces contrées déshéritées. Sur ces hauteurs où les terres en pente sont exposées aux éboulemens et ne peuvent être fertilisées faute d’engrais, puisque les animaux vivent au dehors la plus grande partie de l’année, la culture proprement dite n’est plus à sa place, et le sol serait bien plus utilement occupé par des pâturages ou des forêts. L’industrie pastorale bien entendue peut donner de grands bénéfices, pourvu que les pâturages soient bien aménagés et que, comme dans1 le Jura, des associations fruitières exploitent en commun le lait des troupeaux. C’est vers ce but qu’il faut tendre dans tous les pays de montagnes.

Dans cette rapide description de la France agricole, il n’a pas été question de l’Algérie, bien que l’importance s’en accroisse de jour en jour. La culture de la vigne s’y développe rapidement, et il n’est pas douteux qu’avant peu cette colonie ne fasse sous ce rapport à la mère patrie une concurrence sérieuse. La question capitale pour elle est le reboisement des montagnes, qui seul peut empêcher les sécheresses, assurer l’alimentation des cours d’eau et rendre à ce beau pays la fertilité que la domination arabe lui a enlevée.


II

D’après l’exposé que nous venons de faire, on peut voir que la propriété rurale en France est absolument démocratisée et que, sous l’influence de notre loi civile, elle se morcelle tous les jours davantage, en même temps que les exploitations soumises au faire-valoir direct tendent à se multiplier. En Angleterre, il en va tout autrement, car l’accroissement de la richesse publique et la loi de primogéniture ont au contraire pour effet d’y diminuer le nombre des petits domaines. La propriété foncière, déduction faite des maisons, est entre les mains du centième de la population totale. Le quart de la surface du pays est possédé par 1,200 propriétaires ayant chacun en moyenne 6,480 hectares ; un autre quart appartient à 6,200 individus ayant une moyenne de 1,260 hectares ; un troisième quart est entre les mains de 50,170 propriétaires ayant 272 hectares ; le dernier quart est partagé entre 251,870 individus possédant chacun 28 hectares. Très peu de propriétaires cultivent par eux-mêmes ; le plus souvent ils ne sont que des capitalistes louant leurs terres à des fermiers qui les exploitent à leurs risques et périls, au moyen d’ouvriers agricoles indépendans. On trouve ainsi dans l’industrie rurale les mêmes agens de production que dans l’industrie manufacturière, le capitaliste, l’entrepreneur et l’ouvrier qui, divisés dans leurs fonctions, concourent tous au même but ; celui de l’exploitation la plus avantageuse de la terre.