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qui la couvrent. Ce travail s’est d’abord exécuté à bras d’hommes au moyen d’une bêche ; mais, comme il est long et fatigant, on lui a substitué le labour à la charrue, dans lequel les efforts les plus pénibles sont exécutés par les animaux, l’homme n’ayant plus d’autre besogne que de diriger l’instrument. D’après la statistique de 1862, on comptait en France 3,206,000 charrues, nombre qui depuis lors a dû s’accroître considérablement. Une bonne charrue a trois opérations à faire : elle doit d’abord couper la terre verticalement pour en détacher une bande, trancher ensuite celle-ci horizontalement pour la détacher du sol et, en troisième lieu, la renverser sur elle-même pour exposer à l’air les parties fraîchement coupées. À ces trois opérations correspondent trois parties de l’instrument, le coutre, le soc et le versoir. Les anciennes charrues faites en bois laissaient beaucoup à désirer ; aujourd’hui on est arrivé à une grande perfection en employant le fer et la fonte et en calculant scientifiquement la forme et les dimensions à donner à chacune des pièces. C’est Jefferson, l’ancien président des États-Unis, qui le premier, en 1815, s’est appliqué à perfectionner cet instrument ; il a été suivi dans cette voie par les constructeurs anglais et français. Une des plus employées est la charrue Dombasle, qui est simple et solide et peut être facilement construite par tous les charrons ou forgerons de village. On se sert beaucoup aussi de la charrue dite Brabant-double, qui se compose de deux corps de charrue montés sur un même âge et qui peuvent tourner sur la sellette d’un avant-train, de façon à labourer à droite et à gauche, et à verser par conséquent la terre toujours du même côté. Elle est surtout employée pour les labours à plat et s’est beaucoup répandue à la suite des diverses expositions où on a pu l’apprécier. Il serait très à désirer que nos principaux constructeurs eussent partout, même dans les plus petites localités, des dépôts de leurs instrumens et de pièces de rechange destinées à remplacer celles qui viennent à casser ; car c’est à la difficulté pour les cultivateurs de se procurer de bons engins et surtout de les réparer, qu’il faut attribuer la lenteur avec laquelle ceux-ci se sont répandus jusqu’ici. Il y aurait de grands bénéfices à réaliser pour les constructeurs qui entreraient dans cette voie.

On ne fut pas longtemps à reconnaître l’avantage qu’on pourrait retirer de l’emploi de la vapeur dans les opérations de labourage, car le prix de l’unité de travail mécanique que produit celle-ci est d’environ le tiers du prix de l’unité obtenue par les moteurs animés. On devait y trouver une grande économie en même temps qu’un travail mieux fait. Dès 1810, le major Prats prit en Angleterre un brevet pour une invention de ce genre ; d’autres essais furent tentés