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principes du gallicanisme, comme tous les parlementaires d’alors, il montre avec une énergie qu’on n’a pas dépassée depuis, l’incompatibilité qui existe entre une éducation civile et vraiment nationale, et des éducateurs dont le chef est à Rome. Il va plus loin ; il veut que l’on confie la jeunesse à des hommes qui, citoyens et pères de famille, puissent enseigner, pour les avoir pratiquées eux-mêmes, les vertus civiques et domestiques, et n’aient pas d’intérêt distinct de celui de leur pays. Jusque-là, la prévention était plutôt en faveur du célibat des maîtres.

La Chalotais signale avec une implacable sévérité tous les défauts, toutes les lacunes de l’enseignement des jésuites, aussi bien que de l’enseignement universitaire. « Sur mille étudians qui ont fait ce qu’on appelle leurs cours d’humanités ou de philosophie, à peine en trouverait-on dix en état d’exposer clairement et avec intelligence les premiers élémens de la religion, qui sussent écrire une lettre, discerner une bonne raison d’une mauvaise. On n’acquiert dans nos collèges, dit-il encore, aucune connaissance de notre langue, on n’y enseigne qu’une philosophie abstraite qui ne renferme pas les principes de la morale. » — Témoignages importans, dit avec raison M. Compayré, que l’on devrait au moins contrôler, avant d’admirer sur parole l’instruction des anciens temps, avant de déclamer sur la décadence des études !

La Chalotais ne se borne pas à la critique, il propose tout un plan détaillé d’éducation, où nous signalerons, parmi les dispositions les plus remarquables, l’enseignement simultané et parallèle de l’histoire et de la géographie, une place importante attribuée à l’histoire naturelle, trop négligée même de nos jours, l’ajournement jusqu’à l’âge de dix ans des études classiques, enfin l’introduction de deux langues vivantes, « l’anglais pour la science, l’allemand pour la guerre. »

La Chalotais est principalement un polémiste : Rolland est avant tout un organisateur. Son Mémoire sur l’instruction publique contient déjà les premiers linéamens de l’université impériale. A lui revient l’honneur d’avoir posé pour la première fois le principe que l’instruction doit être appropriée aux besoins des différentes classes de la société. En conséquence, il propose d’établir quatre degrés. d’instruction. Le plus élémentaire doit être à la portée de tous sans exception. « La science de lire et d’écrire, qui est la clef de toutes les autres sciences, doit être universellement répandue ; sans elle, les instructions des pasteurs sont inutiles, et la lecture peut seule imprimer d’une façon durable ce qu’il est important de ne jamais oublier. » Paroles significatives dans la bouche d’un homme de l’ancien régime ! Et il ajoute : « Le laboureur qui a reçu une sorte d’instruction n’en est que plus attentif et plus habile. »