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LE BRÉSIL
EN 1879


Le voyageur se rendant d’Europe au Brésil éprouve à son arrivée, s’il ne gagne directement la capitale, une série d’impressions semblables aux impressions, souvent décrites, des voyageurs dans le Levant. Tant qu’il n’a pas quitté le bord, l’admiration pour la magnificence du paysage tropical qui se déroule sous ses yeux domine toutes les autres sensations. Aussitôt qu’il met pied à terre, ses dispositions à l’enthousiasme se modifient. Pour satisfaire chacune des exigences de la vie, une lutte commence. S’empresse-t-il de réclamer ses bagages à la douane, des employés, parfaitement polis, le remettent au jour suivant, et, le jour suivant, ouvrent chaque colis, en fouillent le contenu, retournent chaque objet et lui font avec insouciance perdre son temps, sa patience et sa belle humeur. Cherche-t-il un hôtel, il trouve une auberge mal tenue. Veut-il manger, la viande est avancée. Veut-il dormir, les lits offrent des draps douteux. Un compatriote compatissant lui offre-t-il l’hospitalité, on lui fait remarquer que, dans la maison, les meubles viennent de Londres ou de New-York, la vaisselle de Paris, le vin de Bordeaux, la farine de Trieste, les pommes de terre d’Irlande, le fromage de Hollande. Rien ou presque rien n’est fourni par l’agriculture ou l’industrie locales, et pourtant toute denrée pourrait être produite sur place, toute plante pousse presque sans culture dans ces contrées favorisées, mais il faudrait semer et récolter, et pour ces travaux les étrangers ne sont ni assez nombreux ni assez acclimatés, et les indigènes sont trop indifférens.

Tout aussi bien que le Portugais, son ancêtre, le Brésilien tient de l’Oriental. Le C’est écrit ! du second correspond au Paciencia ! du premier. Chez l’un comme chez l’autre, la résignation est la même à subir ce qu’un peu de prévoyance pourrait éviter. Chez l’un et l’autre, les besoins sont presque nuls et l’orgueil excessif. Pour sub-