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capitaux. Des agens français, se prétendant représentans de maisons de banque et d’usines de premier ordre, remplissaient les colonnes des journaux de Rio d’offres relatives aux entreprises de voies ferrées ; enfin quatre établissemens français, en réalité de premier ordre, venaient de s’unir pour former une compagnie à laquelle on projetait de donner une vaste extension et qui allait s’intituler Compagnie générale des chemins de fer brésiliens. La combinaison par laquelle ces quatre établissemens offraient au gouvernement de fournir les capitaux nécessaires à leur première entreprise fut habilement exploitée pour donner à l’opinion publique une haute idée des ressources que le trésor pouvait tirer de France. En même temps des tentatives pour relever les cours, faites par les banques brésiliennes et par les agens officiels à l’étranger, ont pleinement réussi. Le marché des valeurs a fini par s’émouvoir, et le change a pris une marche ascensionnelle. Aussitôt le ministère a dévoilé son plan. Ce n’était plus à l’étranger qu’il voulait chercher les ressources qui lui manquaient, c’était dans le pays même en faisant appel au patriotisme des habitans pour un grand emprunt national. Des bons du trésor rapportant 4 1/2 pour 100 d’intérêt en or étaient mis en quelque sorte aux enchères, la mise à prix ne pouvant rester au-dessous de 96 milreis, valeur payable en papier, pour une valeur nominale de 100 milreis. Le change étant monté à 2 fr. 24 c, l’intérêt à 4 1/2 pour 100, en or, de cette mise à prix à 96, en papier, représentait en réalité un peu plus de 6 pour 100 pour les acheteurs de bons du trésor. L’opération eut un plein succès ; 50,000 contos de reis (112 millions de francs) étaient demandés, plus de 124,000 (277,760,000 francs) furent offerts au taux fort avantageux de 96.37 en moyenne.

Nous n’examinerons pas la question de savoir si cette opération sera d’un profit durable pour les finances de l’empire, si l’élévation du cours du change, en grande partie factice, se maintiendra sans avoir été causée par une importation de capitaux, si l’argent brésilien investi en fonds d’état ne sera pas perdu pour des entreprises privées, etc. Nous ne nous poserons que cette question : la situation du Trésor est-elle inquiétante ? Évidemment l’équilibre du budget sera rétabli. Le nouvel emprunt va, il est vrai, augmenter les charges d’une annuité de 11,500,000 francs environ, ce qui portera l’insuffisance des recettes annuelles à 70 millions, mais cette insuffisance sera certainement comblée par de nouveaux impôts, et nous ne faisons aucun doute que les recettes et les dépenses ne se balancent exactement l’année prochaine[1] ; mais cet équilibre sera-t-il durable ? Ici la question

  1. Au moment où nous écrirons ces lignes, nous est parvenu un numéro de l’Anglo-Brazilian Times contenant le projet de budget pour 1879-80. Dans ce projet, les dépenses sont estimées devoir atteindre 332,600,000 francs seulement par suite de réductions opérées ; les recettes 336,800,000 francs, grâce à une augmentation des droits d’importation et à différentes autres élévations d’impôts. Il y aura donc non-seulement équilibre, mais encore excédent de recettes, si ces prévisions se justifient. Le gouvernement est autorisé à emprunter 38,552,000 francs pour certains travaux publics déterminés.