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pieds serrés par des cordes, et des coins de bois enfoncés entre eux, les mamelles arrachées, les bras grillés, les articulations disjointes, les os brisés jusqu’à en faire issir la moelle.

Un moment arrive où, épuisée par la douleur, mutilée, sanglante, la pauvre vieille fait signe qu’on s’arrête, et s’écrie : Confession ! Alors on l’entoure, le notaire (greffier) écrit soigneusement toutes les monstruosités qu’elle avoue. C’en est fait, elle a avoué son crime. Il n’y a plus qu’à la punir.

Le procès d’Arnoulette Defrasnes, à Valenciennes, est d’une concision éloquente : « Ladite Arnoulette n’ayant voulu reconnoître la vérité, Messieurs avoient ordonné à l’officier de l’appliquer à la question du collier, pendant laquelle elle a de rechef été interrogée comme s’ensuit. :

« Interrogats d’Arnoulette lorsqu’elle étoit appliquée à la question.

« S’il n’est véritable qu’elle ait causé du mal à Catherine Rom-baud, et fait qu’elle a jeté une infinité d’ordures, et comme des vers à queue, des chenilles et autres semblables, voire même des muche-oreilles, par les oreilles, et lui avoir envoyé des vermines en telle quantité qu’elle en avoit jusqu’aux extrémités des doigts,

« Le dénie.

« Et lui ayant sur ce été liées les jambes avec cordes neuves, et les bras fortement liés derrière le dos, assise sur la sellette avec le collier au col, pendant quoi elle lançoit quelques cris, pressée de rechef de reconnoître la vérité,

« A persisté en sa dénégation.

« Si elle n’a, un jour, touché le mari de la dite, de sorte que, depuis lors, il est devenu malade, et après un languissement de huit mois il en est décédé,

« Répond qu’il n’est véritable et ne sait ce qu’on lui veut dire. « Chargée d’avoir les marques du diable en divers endroits de son corps, savoir : derrière l’oreille droite et sur la même épaule, aussi une en la cuisse,

« Répond qu’il n’est véritable, s’écriant et se lamentant hautement pour la douleur qu’elle disoit souffrir, sans cependant jeter aucune larme, quoiqu’elle fît mine de pleurer fortement.

« Pressée de dire la vérité,

« Persiste en ses dénégations.

« Ayant été quelque peu plus molestée par l’excitation et renouvellement de ses douleurs, avoue qu’elle est sorcière.

« Enquise depuis quand, répond qu’il y a douze ou quinze ans, le diable lui apparut de nuit en forme de jeune homme, vêtu d’un habit brun, lui demandant si elle vouloit être son amoureuse.