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millions de francs, est tombée en 1857 à 7 millions de kilogrammes ; elle est aujourd’hui d’environ 13 millions[1].

Si la maladie des vers à soie n’atteint qu’un petit nombre de départemens, l’invasion du phylloxéra en touche un assez grand nombre pour qu’on puisse considérer celle-ci comme une des causes générales de la crise agricole et pour faire craindre qu’une des sources les plus importantes de la richesse de la France ne soit gravement compromise. Les études auxquelles ce fléau a déjà donné lieu ici même[2] nous dispensent d’entrer dans de grands détails à ce sujet ; nous nous bornerons à dire que l’insecte a suivi sa marche envahissante et qu’aujourd’hui la moitié environ du vignoble français est attaquée. Parmi les remèdes préconisés, les sulfocarbonates et le sulfure de carbone seuls ont donné des résultats favorables ; mais ils sont d’une application coûteuse et resteront nécessairement inefficaces tant que l’emploi n’en aura pas été généralisé. L’inondation des vignes phylloxérées est, paraît-il, un remède souverain, mais nécessairement restreint. Dans tous les cas, il convient de ne pas cultiver la vigne sur de grands espaces, et de l’alterner avec d’autres cultures, de façon à isoler les points d’attaque et à créer des obstacles à l’invasion ; il faut aussi avoir soin de se servir d’engrais pour donner aux ceps une vigueur de végétation qui leur permette de résister plus longtemps.

On cherche encore à combattre le phylloxéra par la multiplication des insectes qui le détruisent ; on cite parmi ceux-ci l’arachnide trombidion du fraisier ananas ; et des coléoptères des genres brachinus, amara, anillus, etc. Les oiseaux, notamment les bergeronnettes, détruisent les phylloxéras ailés. Mais jusqu’ici ces ennemis du phylloxéra sont trop peu répandus pour qu’on puisse compter sur eux, et en attendant que de nouvelles recherches nous aient fait connaître des moyens de destruction plus radicaux, il est probable qu’on sera forcé, ainsi que le propose M. Planchon et qu’on a déjà commencé à le faire, d’avoir recours aux vignes américaines, qui, étant capables de résister aux attaques de l’insecte, pourront servir de porte-greffe aux vignes françaises.

Quoi qu’il en soit, le phylloxéra a été pour plusieurs départemens une cause de ruine et de souffrances. Dès qu’on a dépassé Valence, les pampres verts qui couvraient autrefois les plaines et les coteaux de la vallée du Rhône sont remplacés par des garigues et des moissons chétives. La vigne seule pouvait prospérer sous ce ciel brûlant qui reste pendant des mois entiers sans un nuage ; aujourd’hui elle a disparu, et l’on ne sait encore comment la

  1. Statistique de la France comparée avec les divers pays de l’Europe, par M. Block ; Paris, Guillaumin.
  2. Voir les études de M. Planchon dans la Revue du 1er et du 15 février 1874.