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et 14 fr. 32 et dans l’autre de 26 fr. 64 et 16 fr. 41 seulement. Par compensation, le prix moyen a été plus élevé pendant la période qui a suivi la suppression de l’échelle mobile que dans celle qui l’a précédée, puisqu’il a été de 22 fr. 58 dans le premier cas et de 19 fr. 88 dans le second.

Si nous envisageons la question au point de vue de l’intérêt agricole du pays, nous reconnaîtrons sans peine qu’il serait désirable de voir la culture du blé se restreindre un peu et se limiter aux terres qui y sont propres. Au dire de M. Vandercolme, un des agriculteurs les plus distingués du département du Nord, on cultive en France beaucoup trop de blé ; la moitié environ des terres arables est occupée par cette céréale, tandis qu’avec une culture mieux entendue, le tiers ou le quart suffirait, tout en donnant une récolte plus considérable. Le blé ne saurait notamment convenir aux pays de montagnes, qu’il faut réserver aux bois et aux pâturages ; et si la concurrence étrangère peut contribuer à cette transformation, c’est un bienfait dont il faudra lui savoir gré.

L’Angleterre, depuis le rappel des lois sur les céréales, demande au dehors 35 millions d’hectolitres de blé ; c’est-à-dire la moitié de sa consommation, et dépense pour cela près de 800 millions par an. Peut-on dire qu’elle se soit ruinée à pratiquer ce système et que c’est pour cela que son agriculture est aujourd’hui en souffrance ? Nous aurions tout bénéfice à nous adonner comme elle surtout à la production de la viande, dussions-nous chaque année faire venir de l’étranger pour 100 millions de blé. Quoi qu’il en soit, un droit quelconque sur cette céréale, même de 2 fr. 60, comme l’a demandé la Société des agriculteurs, serait non-seulement impolitique, mais inhumain, car il aurait pour effet de surélever le prix d’une substance indispensable à l’alimentation et de grever le budget des familles pauvres d’un impôt qui, d’après M. Marchand, de la Seine-Inférieure, s’élèverait à environ 40 francs par ménage. Nous sommes sans crainte à cet égard, car aucun gouvernement n’oserait aujourd’hui encourir une pareille responsabilité.

Bien que les protectionnistes soient surtout préoccupés de la question du blé, ils n’ont pas pour cela négligé les autres produits agricoles ; ils cherchent de même à éloigner de nos frontières comme s’il s’agissait d’une peste, les bestiaux, les vins, les soies, les bois étrangers qui menacent de nous envahir, en apportant avec eux la ruine et la désolation. La Société des agriculteurs de France a demandé que les droits sur le bétail, qui depuis 1853 étaient de 3 fr. 60 par bœuf, de 1 fr. 20 par vache et de 0 fr. 30 par mouton, fussent portés à 8 francs les 100 kilogrammes pour les bêtes bovines et à 10 francs pour les moutons et les porcs ; ce qui représente de 40 à 50 francs par tête pour les bêtes à cornes et