Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 37.djvu/726

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inflexions reproduisent toutes les circonstances qui sont susceptibles de mesure, tel est l’objet de la méthode graphique considérée comme mode d’expression. Il n’est pas de procédé plus efficace pour faire jaillir la lumière d’une masse obscure de chiffres entassés par des observateurs ou rassemblés par des statisticiens ; on arrive ainsi à condenser sous le regard, à faire embrasser d’un coup d’œil une quantité extraordinaire de données expérimentales, et des rapprochemens inattendus font ressortir des relations de cause à effet. Les cartes du temps où sont pointés chaque jour les renseignemens fournis par des dépêches télégraphiques émanées d’une foule de stations nous fournissent un exemple déjà populaire de cette application des « graphiques, » et de l’étonnante simplification qu’elle apporte aux problèmes de la météorologie ; mais toutes les sciences d’observation, la physique, la chimie, la médecine, aussi bien que l’économie sociale, le génie civil ou militaire, en font leur profit. — Considérée comme moyen de recherches, la méthode graphique consiste dans l’emploi des appareils inscripteurs, qui se substituent à l’observateur et tracent d’eux-mêmes les courbes qui figureront pour l’œil toutes les phases d’un phénomène. Automates patiens et exacts, doués d’une perception plus rapide et plus sûre que la nôtre, ils notent, fidèlement et pour ainsi dire avec une présence d’esprit à l’abri des surprises, les moindres incidens qui surviennent dans la manifestation d’un effet naturel ou d’une force soumise à une expérience. « Ils mesurent les infiniment petits du temps ; les mouvemens les plus rapides et les plus faibles, les moindres variations des forces ne peuvent leur échapper ; ils pénètrent l’intime fonction des organes, où la vie semble se traduire par une incessante mobilité. » C’est ainsi que s’exprime M. Marey dans l’ouvrage où il a magistralement exposé l’histoire, le développement graduel et toutes les applications possibles de cette belle méthode, qu’il a tant contribué lui-même à perfectionner et dont il a, mieux que personne, compris la fécondité et les ressources en quelque sorte indéfinies. La méthode graphique prête véritablement un langage aux phénomènes ; elle supplée à l’insuffisance de nos sens en remplaçant l’observateur, et ses résultats se présentent sous une forme immédiatement intelligible, sous une forme qui « parle aux yeux. » Il y a là évidemment un instrument de progrès dont les applications se multiplient à mesure, et naissent, insensiblement, les unes des autres.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.