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cardinal de Richelieu venait de décider, pendant son voyage dans le Midi, la création d’un grand port de guerre dans la rade de Brescou, près d’Agde. Désireux de favoriser en même temps les fermiers du roi et les commerçans du Languedoc, du Dauphiné et du Lyonnais, il comprit tous les avantages que présenterait un canal de navigation entre le Rhône et les ports de la Méditerranée. Pour subvenir aux frais de l’entreprise, les droits sur les sels de Peccais furent augmentés « en trois diverses crues jusqu’à 50 sols par minot, » et il est très probable que les travaux auraient été menés rapidement à bonne fin, si la mort du grand ministre et peu après celle du roi n’étaient venues jeter le pays dans d’autres préoccupations.

Toutefois, dès les premières années de la régence d’Anne d’Autriche, le conseil accepta les offres d’un homme obscur et entreprenant, le sieur Jacques Le Brun, de la ville de Brignoles. Le Brun obtint la concession des marais du Languedoc aux mêmes conditions qui avaient été accordées à Bradley ; mais ses procédés arbitraires soulevèrent contre lui les communautés et les seigneurs intéressés, et les états durent s’opposer bientôt à l’exercice de son privilège, qu’il fut d’ailleurs obligé d’abandonner lui-même, faute de moyens suffisans pour exécuter une entreprise trop au-dessus de ses forces. La concession passa en d’autres mains tout aussi inhabiles, et, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, le pays fut tellement absorbé par la préoccupation de guerres continuelles, que les projets pacifiques du dessèchement des marais du Languedoc durent être renvoyés à des temps meilleurs.

Ce ne fut qu’au commencement du siècle suivant, en 1701, que l’affaire fut reprise d’une manière sérieuse. — Le maréchal de Noailles avait commandé pendant plusieurs années en Languedoc ; il offrit au roi de se charger, à ses risques et périls, de la double entreprise du canal et du dessèchement, et de dédommager tous les propriétaires et usagers des marais, moyennant la concession des droits et privilèges déjà accordés à ceux qui avaient échoué dans les tentatives précédentes. Le canal devait toujours avoir Beaucaire pour tête de ligne, et se rendre à la mer en traversant la plaine presque partout inondée.

D’Aigues-Mortes au port de Cette nouvellement créé, la navigation se faisait depuis très longtemps à travers les étangs qui bordent le littoral. Des actes qui remontent aux rois d’Aragon, seigneurs de Montpellier, témoignent de l’intérêt que tout le commerce du Languedoc attachait à cette voie navigable. Mais, malgré tous les efforts de la province, ces étangs s’étaient en grande partie atterris ; et l’on avait reconnu la nécessité de créer un lit artificiel à travers les lagunes plus ou moins desséchées de Frontignan, de Maguelone, de Mauguio et de Pérols. Le canal de Beaucaire et le canal des