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commune, elle dut redescendre vers la côte, dans la direction de la montagne de Baranov, à l’est de l’embouchure du Kolyma.

Les côtes de la Sibérie, du détroit de Behring à l’embouchure de la Lena, sont plates et basses. Mais parfois, baignant presque dans la mer, s’élèvent des rochers de granit entièrement isolés. Les plus remarquables de ces rochers sont ceux que l’on voit au cap Baranov. Il y en a deux qui s’élèvent presque parallèlement ; l’un, celui qui est à l’ouest, est de granit blanc ; l’autre, à l’est, est composé d’ardoise d’un bleu noir. Nos voyageurs purent observer ce dernier. Ce ne fut qu’après avoir dépassé l’embouchure du Kolyma et les rochers de Baranow que commencèrent les sérieuses difficultés du voyage. Plus on avançait vers l’est, et plus les glaces se présentaient nombreuses et resserrées. Désormais, l’expédition ne devait plus compter sur un seul de ces grands fleuves qui, comme le Yenissei, la Lena et le Kolyma fondaient ou dissipaient, en se jetant avec force dans la mer, les glaces du pôle. La lutte devint donc incessante ; tantôt la Vega, enveloppée d’un épais brouillard, n’osait plus avancer ; tantôt, entourée de banquises immobiles dont les bases touchaient au fond de la mer, elle était contrainte de s’y cramponner pour n’être point broyée entre d’autres banquises mobiles qui l’environnaient. Pour éviter ce danger, M. Nordenskjöld conseille de pourvoir de dynamite les futures expéditions polaires. En arrivant au cap Jakan, la Vega jouit, pendant quelques heures encore, d’un passage libre. Les voyageurs cherchèrent à apercevoir, de ce point, les fameuses terres que Wrangel lui-même ne parvint pas à distinguer et qui existent pourtant, mais, pas plus que l’infatigable Russe, nos voyageurs ne purent les voir. La Vega resta au cap Jakan du 8 au 14 septembre, puis elle réussit à atteindre le cap Nord de Cook ; mais, là encore, entre deux promontoires élevés, le Irr-Kajpij et l’Ammon, il fallut de nouveau s’arrêter. Le 18, la glace paraissant plus mince, on chercha, en se faisant précéder par la chaloupe lancée à toute vapeur, à briser l’obstacle. On y réussit, mais non sans faire courir au petit bateau de grands dangers ainsi qu’à la Vega. Enfin, du 20 au 23 septembre, le navire se trouve à l’ouest du cap Wankarema. Le 27, au matin, il traverse la baie de Kolioutchin et, le soir venu, il jette l’ancre près du cap qui forme le point oriental de la baie. Dans la nuit, un courant violent y amené des glaces en quantités innombrables ainsi que dans la partie nord de la péninsule Tchouktchisse. C’était l’avant-coureur des entraves qui devaient retenir l’expédition prisonnière dans ces parages pendant deux cent quatre-vingt-quatorze jours.

Le 28 septembre, la Vega jetait définitivement l’ancre en vue du