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les trois à fumer une pipe, mais au grand désappointement de Tcheporin, je ne pus offrir du cognac à ses femmes, Harat ayant mis à sec ma provision. »


IV

Les indigènes de la côte orientale de la Sibérie ne font aucun cas de l’argent monnayé ; 25 roubles russes en papier dans le parcours qui mène au détroit de Behring valent moins qu’un pain de savon, et un bouton de cuivre ou d’étain y est mieux reçu qu’une monnaie d’or et d’argent à moins qu’elle n’ait été percée de manière à servir de pendeloque. M. Nordenskjöld conseille à ceux qui feront comme lui ce voyage de se munir de grosses aiguilles à coudre ou à repriser, de grands couteaux, d’outils, de jupons de coton ou de laine aux couleurs éclatantes et de tabac. Mais ce qui allumera le plus la convoitise de ces pauvres peuplades, c’est l’eau-de-vie. Le professeur suédois, dans un sentiment de haute philanthropie, s’est abstenu d’en donner aux Tchouktchis toutes les fois qu’il a pu leur en refuser. Ces Asiatiques, habitués aux échanges dès leur plus tendre enfance sont fort au courant du commerce qui se fait entre l’Amérique septentrionale et la Sibérie. Bon nombre des peaux de castor qui se vendent sur le marché d’Irbit, venant du territoire d’Alaska, ont passé bien souvent par les mains des sauvages esquimaux et sibériens avant d’arriver dans celles des marchands russes.

Le tabac est aussi un article très recherché. Dans certaines localités de l’Amérique du Nord, on a une belle peau de castor pour une simple feuille de tabac. Du reste, dans ces froids parages, sur l’un et sur l’autre continent, hommes et femmes fument la pipe. Les hommes portent toujours sur eux leur blague à tabac, un briquet composé d’un fragment d’agate et d’acier, et de l’amadou tiré d’un cèpe préparé d’une certaine manière. Ils ont un succédané de ce champignon dont le professeur a pris divers échantillons. Ils l’emploient aussi sous forme de chique et font sécher derrière l’oreille celui dont ils veulent se servir pour fumer. Ils ne font pas usage de sel, mais il est probable qu’ils ont une autre manière d’absorber le chlorure de sodium indispensable à l’organisme humain. Ils aiment le sucre, n’apprécient le café que très sucré ; ils boivent volontiers du thé.

A l’exception de quelques couteaux et de quelques vieux fusils