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Qu’est-ce que cette proposition d’amnistie récemment renouvelée par M. Louis Blanc, si ce n’est une de ces tentatives faites pour ébranler une majorité peu sûre d’elle-même, pour embarrasser le gouvernement, et pour pousser la république dans une voie où elle ne peut trouver que des pièges et des périls ? Les radicaux s’obstinent à raviver cette malheureuse affaire. Ils l’ont engagée déjà sous la forme d’une interpellation, il y a deux mois, dans les derniers jours du précédent ministère, et ils ont échoué ; ils viennent de la reproduire sous le ministère nouveau, et la discussion a eu le même dénoûment : elle a fini par un vote qui a rejeté la proposition de M. Louis Blanc et de ses amis de l’extrême gauche. C’est assurément ce qui pouvait arriver de mieux pour la chambre, pour le ministère et pour le pays. La proposition a été repoussée, parce que la loi de l’année dernière a déjà fait tout ce qui était possible, et même, selon bien des esprits, au delà ce qui était nécessaire, parce que des motions nouvelles ne répondent plus ni à un intérêt sérieux, ni à un sentiment public, parce qu’enfin, même dans cette chambre si complètement républicaine, on a bien compris que, sous cette question de l’amnistie plénière, il y avait la pensée plus ou moins déguisée d’une revanche offensante de l’insurrection de 1871. Elle a été repoussée parce qu’elle est de l’agitation et rien que de l’agitation, parce qu’au lieu d’affermir et de fortifier la république comme le prétend M. Louis Blanc, elle ne pourrait que la déconsidérer et la ruiner en la montrant trop complaisante pour la plus odieuse des séditions. Les défenseurs de l’amnistie n’avaient d’ailleurs plus rien de nouveau à dire pour relever une si triste cause. Depuis longtemps ils ont épuisé les banalités et les déclamations. Oublier, inviter le pays à l’oubli, jeter le voile sur le crime, sur Paris incendié et ravagé, proclamer l’apaisement, c’est aisé à dire ! Est-ce qu’il est si facile d’oublier, même quand oh le voudrait, en présence des déchaînemens de colère et de haine de quelques-uns de ceux-là mêmes qui ont profité de l’amnistie partielle et de Ceux qui n’en ont pas eu le bénéfice, qui rejettent toute grâce comme une injure ? Est-ce qu’on ne voit pas tous les jours se produire d’audacieuses falsifications historiques et morales faisant de l’insurrection de 1871, accomplie sous l’œil de l’étranger, au profit de l’étranger, un égarement de patriotisme, et des héros de la commune des hommes qui ont pu se tromper, mais qui après tout ont défendu la république contre une assemblée de monarchistes, ont peut-être sauvé la république, ont souffert pour la république ? C’est une étrange manière de servir aujourd’hui la république, on en conviendra, que de lui donner de tels précurseurs ou de tels auxiliaires, de l’accabler de tels souvenirs et de lui imposer presque comme un acte de résipiscence ou d’équité reconnaissante l’amnistie du 18 mars. A tout cela le jeune rapporteur de la commission d’amnistie, M. Casimir Perier, a répondu,